Au Sénégal, le gouvernement s’engage à faire « toute la lumière » sur les dizaines de morts survenues lors de la répression des manifestations politiques entre 2021 et 2024. Cette déclaration, faite par le ministre de la Justice, Ousmane Diagne, devant les députés, intervient dans un contexte où une loi d’amnistie adoptée sous l’ancien président pourrait freiner les efforts de justice. Cette promesse soulève des questions sur la compatibilité entre réconciliation nationale et quête de justice pour les victimes et leurs familles.
Des événements marqués par une répression sanglante
Entre 2021 et 2024, le Sénégal a traversé une période de forte agitation politique, marquée par des manifestations violentes et des affrontements entre forces de l’ordre et citoyens. Ces troubles, souvent déclenchés par des tensions autour des processus électoraux, de la gouvernance et des libertés publiques, ont entraîné des dizaines de morts et de nombreux blessés. Les images de violences policières, les récits de familles endeuillées, et les dénonciations des organisations de défense des droits humains ont profondément marqué l’opinion publique sénégalaise et internationale.
Malgré les appels à une enquête indépendante, l’ancien gouvernement avait opté pour une loi d’amnistie, couvrant les actes commis pendant cette période. Présentée comme un instrument de paix sociale et de réconciliation, cette loi a été perçue par beaucoup comme une tentative de protéger les responsables des violences, alimentant une frustration croissante au sein de la population.
Un engagement gouvernemental sous le signe du défi
Ousmane Diagne a réaffirmé devant les députés la volonté du gouvernement de lever le voile sur ces événements tragiques, malgré la loi d’amnistie toujours en vigueur. Cette déclaration représente un défi de taille : comment mener des enquêtes impartiales et traduire les responsables en justice sans contredire le cadre légal établi par l’amnistie ? Cette loi, qui exclut toute poursuite judiciaire pour les crimes et délits liés aux manifestations, limite considérablement les marges de manœuvre des autorités.
Cependant, des experts juridiques estiment qu’un travail de vérité peut être accompli en dehors du cadre pénal. Des commissions indépendantes, des enquêtes parlementaires ou encore des auditions publiques pourraient être mises en place pour identifier les responsabilités et rétablir les faits. Ces mesures nécessiteront toutefois une volonté politique forte et un engagement à la transparence, dans un climat de méfiance généralisée à l’égard des institutions.
Les attentes des familles et des défenseurs des droits humains
Pour les familles des victimes, la promesse du ministre est une lueur d’espoir, mais aussi une source d’incertitude. Elles réclament des réponses claires sur les circonstances des décès et des garanties que les responsables, qu’ils soient politiques ou sécuritaires, ne resteront pas impunis. Les organisations de défense des droits humains, elles, appellent à des enquêtes indépendantes sous supervision internationale pour garantir leur impartialité et éviter toute tentative d’étouffement des faits.
La société civile insiste également sur la nécessité d’un cadre légal qui protège les droits des citoyens à manifester et empêche la répétition de telles tragédies. Les observateurs soulignent que sans justice, les frustrations pourraient se transformer en un cycle sans fin de violences et de répression.
Réconciliation ou justice : un dilemme politique et social
Le débat sur la répression politique au Sénégal reflète un dilemme complexe entre réconciliation nationale et justice. Si la loi d’amnistie a été présentée comme un moyen de tourner la page des violences, elle reste vivement critiquée par ceux qui la considèrent comme un instrument d’impunité. Les autorités actuelles, en promettant de faire la lumière sur ces événements, devront concilier ces deux impératifs souvent contradictoires.
L’avenir de cet engagement dépendra de la capacité du gouvernement à dépasser les limites juridiques imposées par l’amnistie et à garantir un véritable processus de vérité. Pour le Sénégal, il s’agit non seulement de rendre justice aux victimes, mais aussi de renforcer la confiance des citoyens dans les institutions et de préserver sa réputation de stabilité démocratique en Afrique de l’Ouest.
Times Infos
Par Mbak Ndèye.