Le 16 décembre 2024, les chefs d’État de la Communauté économique et monétaire de l’Afrique centrale (CEMAC) se sont réunis en sommet extraordinaire à Yaoundé. Cette rencontre, convoquée en urgence, reflète l’inquiétude croissante du Fonds monétaire international (FMI) face à la détérioration de la situation économique dans cette région stratégique. Derrière les discussions diplomatiques, le FMI exige des réponses claires aux défis structurels, financiers et politiques qui minent les économies des pays membres.
Une économie en difficulté : les constats accablants du FMI
La zone CEMAC, composée de six pays (Cameroun, Gabon, Congo, Tchad, République centrafricaine et Guinée équatoriale), traverse une crise économique marquée par une croissance en berne et une dépendance excessive aux hydrocarbures. Bien que les cours du pétrole aient légèrement repris après la crise de 2020, le FMI déplore que les pays n’aient pas profité de cette embellie pour diversifier leurs économies.
La lenteur des réformes structurelles, notamment dans les secteurs agricoles et industriels, a maintenu la région dans une vulnérabilité chronique face aux chocs externes. Par ailleurs, les déficits budgétaires, exacerbés par une mauvaise gestion des finances publiques et une corruption endémique, aggravent la dette publique, qui atteint des niveaux jugés alarmants.
La pression des réserves en devises et le risque monétaire
L’un des points les plus préoccupants soulevés par le FMI est la baisse des réserves en devises au sein de la Banque des États de l’Afrique centrale (BEAC). Ces réserves, garantes de la stabilité du franc CFA, sont tombées à des seuils critiques. Cela menace non seulement la stabilité de la monnaie commune, mais aussi la confiance des investisseurs internationaux.
Le FMI reproche aux États de continuer à adopter des politiques budgétaires expansionnistes, financées par des emprunts coûteux, sans garantir la viabilité à long terme de leurs économies. Il appelle à une discipline budgétaire plus stricte, une rationalisation des dépenses publiques et une meilleure transparence dans l’utilisation des ressources.
Les engagements non tenus : un déficit de crédibilité
Dans le cadre des précédents accords avec le FMI, les États de la CEMAC avaient promis de mettre en œuvre des réformes ambitieuses pour améliorer la gouvernance, lutter contre la corruption et diversifier leurs économies. Cependant, les retards accumulés et l’inefficacité des mesures adoptées ont sapé la confiance de l’institution financière.
En particulier, le FMI pointe du doigt l’absence de mécanismes de contrôle efficaces pour limiter les détournements de fonds publics et garantir une gestion transparente des recettes pétrolières. Cette situation, combinée à des investissements insuffisants dans les infrastructures et les services sociaux, creuse les inégalités et freine le développement de la région.
Le spectre des sanctions : un ultimatum du FMI
Face à ce tableau peu reluisant, le FMI n’a pas exclu de renforcer ses sanctions si des mesures correctives ne sont pas prises rapidement. Ces sanctions pourraient inclure le gel des programmes de financement en cours, la suspension des décaissements de prêts déjà approuvés ou encore l’imposition de conditions plus strictes pour les futurs partenariats.
Un tel scénario aurait des conséquences graves pour les pays de la CEMAC, déjà confrontés à une instabilité politique et sécuritaire qui compromet les efforts de redressement économique.
Une lueur d’espoir : le rôle des réformes dans la relance
Pour répondre aux attentes du FMI, les dirigeants de la CEMAC doivent impérativement prendre des décisions courageuses et stratégiques. Cela inclut la mise en œuvre accélérée des réformes structurelles pour diversifier les économies, renforcer les institutions publiques et lutter contre la corruption.
Des investissements ciblés dans les secteurs porteurs, comme l’agriculture, les énergies renouvelables et les technologies, pourraient également stimuler la croissance et réduire la dépendance aux exportations de matières premières. Par ailleurs, un dialogue constructif avec les partenaires internationaux, basé sur des engagements concrets et mesurables, est essentiel pour restaurer la confiance et assurer la stabilité financière de la région.
Un tournant décisif pour l’avenir de la CEMAC
Le sommet de Yaoundé pourrait marquer un tournant décisif pour l’avenir économique et politique de l’Afrique centrale. Entre les pressions du FMI et les attentes des populations locales, les dirigeants de la CEMAC sont à la croisée des chemins. Les décisions prises dans les semaines à venir détermineront non seulement la stabilité économique de la région, mais aussi sa capacité à relever les défis du XXIe siècle.
Le temps presse, et l’urgence de l’action est désormais incontournable. Le FMI attend des résultats concrets, mais c’est avant tout aux États de la CEMAC de prouver qu’ils sont capables de transformer cette crise en une opportunité de redressement durable.
Times Infos
Par Nancy Nguema.