Crise diplomatique Burkina Faso – Côte d’Ivoire : une fracture régionale qui inquiète

Les relations diplomatiques entre le Burkina Faso et la Côte d’Ivoire traversent une période critique, marquée par le rappel, puis le départ des diplomates burkinabè en poste à Abidjan et dans ses consulats. Cette décision, prise par le régime d’Ibrahim Traoré en septembre et concrétisée fin décembre, illustre une fracture grandissante entre les deux pays voisins. Alors que les enjeux sécuritaires et économiques régionaux exigent une coopération renforcée, cette escalade diplomatique pourrait exacerber les tensions en Afrique de l’Ouest.

Un divorce diplomatique aux implications profondes

La décision d’Ibrahim Traoré de rappeler ses diplomates de Côte d’Ivoire reflète une rupture politique entre Ouagadougou et Abidjan. Si les raisons officielles restent floues, ce geste s’inscrit dans une série d’actions qui traduisent l’affirmation d’une ligne souverainiste et anti-ingérence prônée par le jeune président burkinabè. Ce dernier, issu d’un coup d’État en 2022, se positionne comme un leader critique envers l’ordre établi, notamment au sein de la CEDEAO, perçue comme un instrument des puissances étrangères.

Cependant, ce départ massif de diplomates en pleine crise sécuritaire dans la région inquiète. Les deux pays, liés historiquement par des échanges humains et économiques intenses, ont tout à perdre de cette détérioration. La Côte d’Ivoire abrite une importante diaspora burkinabè, pilier de son secteur agricole, tandis que le Burkina Faso dépend de ses voisins côtiers pour son commerce extérieur. En rompant ainsi le dialogue, les deux nations risquent d’affaiblir leur résilience face aux défis communs.

Les tensions croissantes : entre malentendus et calculs politiques

Cette crise pourrait également s’expliquer par des différends plus profonds entre Ibrahim Traoré et Alassane Ouattara, deux figures politiques aux approches radicalement opposées. Le président ivoirien, pragmatique et expérimenté, s’inscrit dans une tradition de stabilité institutionnelle et de coopération internationale. En revanche, Ibrahim Traoré incarne une jeunesse militante, portée par un rejet de l’influence étrangère et une volonté de rupture avec les modèles politiques traditionnels.

Ces divergences ont été mises en lumière lors des récents événements impliquant la CEDEAO, où la Côte d’Ivoire a soutenu des sanctions contre le Burkina Faso après le coup d’État de 2022. Cette posture a été perçue comme une trahison par Ouagadougou, alimentant un ressentiment qui semble aujourd’hui guider les actions du gouvernement burkinabè.

Une menace pour la stabilité régionale

Au-delà des différends bilatéraux, cette crise met en péril la coopération régionale nécessaire pour contrer les menaces djihadistes qui ravagent le Sahel. Le Burkina Faso est en première ligne de cette guerre, mais la stabilité de la Côte d’Ivoire, considérée comme un rempart face à l’expansion du terrorisme, est tout aussi essentielle. Une coordination étroite entre les deux pays est donc cruciale, et leur isolement mutuel risque de renforcer les groupes armés qui exploitent les divisions politiques pour étendre leur influence.

Cette fracture diplomatique envoie également un signal négatif à la communauté internationale. Les partenaires occidentaux, notamment la France et l’Union européenne, qui soutiennent les efforts sécuritaires et économiques en Afrique de l’Ouest, pourraient revoir leur engagement si les États de la région peinent à collaborer.

Quels espoirs de réconciliation ?

Malgré les tensions actuelles, une issue diplomatique reste possible. Des médiateurs, notamment au sein de l’Union africaine ou de la CEDEAO, pourraient jouer un rôle dans l’apaisement des relations. Cependant, la réussite de cette démarche dépendra de la volonté des deux parties à prioriser l’intérêt régional sur les querelles nationales.

La crise actuelle entre le Burkina Faso et la Côte d’Ivoire est un rappel brutal des défis que traverse l’Afrique de l’Ouest. À l’heure où l’unité et la solidarité régionale sont indispensables pour relever les défis sécuritaires et économiques, les divergences politiques et les orgueils nationaux risquent de compromettre un avenir déjà fragile.

Times Infos 

Par Mohamed Touré.

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