Nigeria : À la conquête de l’or brun – Le cacao, nouvel espoir face au déclin pétrolier

Alors que les revenus du pétrole s’effondrent et que les prix du cacao atteignent des sommets historiques, le Nigeria se tourne vers une richesse oubliée : le cacao. Le pays espère ainsi relancer une économie asphyxiée et s’imposer à nouveau sur la scène agricole mondiale, sur les traces de la Côte d’Ivoire et du Ghana.

Un retour aux sources agricoles imposé par la crise

Pendant des décennies, le Nigeria a misé sur l’or noir. Le pétrole représentait jusqu’à 90 % de ses recettes d’exportation, reléguant l’agriculture – jadis pilier de l’économie nationale – au second plan. Mais les récentes crises géopolitiques et les fluctuations du marché pétrolier ont mis à nu la vulnérabilité du pays face à la monoculture énergétique. Résultat : l’État nigérian, confronté à un déficit budgétaire croissant et à une inflation galopante, cherche de toute urgence des alternatives durables.

Le cacao, jadis fleuron de l’économie nigériane dans les années 1960 (le pays était alors le deuxième producteur mondial), réapparaît comme une évidence. Sa valeur mondiale a grimpé de plus de 150 % en un an, principalement en raison du changement climatique qui affecte la production en Afrique de l’Ouest. Une opportunité en or que le Nigeria ne veut pas laisser passer.

Sur les traces de la Côte d’Ivoire et du Ghana

Aujourd’hui, la Côte d’Ivoire et le Ghana dominent l’industrie du cacao, représentant à eux seuls près de 60 % de l’offre mondiale. Grâce à des politiques agricoles structurées, à des coopératives puissantes, à des mécanismes de fixation de prix et à des infrastructures modernes, ces deux pays ont su tirer profit de la demande croissante en chocolat, notamment en Asie et en Europe.

Le Nigeria, lui, reste loin derrière. Malgré un potentiel agricole immense, il ne représente que 6 % de la production mondiale. Le pays souffre d’un manque cruel d’infrastructures de transformation, d’accès au financement pour les petits producteurs, de systèmes de traçabilité fiables, et surtout d’une absence de réglementation centralisée. Là où Abidjan et Accra ont su parler d’une seule voix pour défendre les intérêts des cacaoculteurs, Abuja reste encore en quête d’une vision cohérente.

Les défis d’une relance ambitieuse

Relancer le secteur cacaoyer nigérian implique des investissements massifs. Routes rurales, entrepôts de stockage, formation des agriculteurs, accès aux engrais de qualité, lutte contre les maladies du cacaoyer : tout reste à faire. En 2023, le gouvernement fédéral a lancé plusieurs initiatives pour encourager la culture du cacao dans les États d’Ondo, d’Ekiti et de Cross River. Des partenariats publics-privés ont également vu le jour, mais leur impact reste limité par la corruption et l’instabilité des politiques agricoles.

Autre obstacle : la concurrence foncière. Dans de nombreuses régions, les terres arables sont menacées par l’urbanisation croissante, l’exploitation minière illégale ou les conflits intercommunautaires. Or, le cacao est une culture de long terme, qui nécessite patience, paix et prévoyance.

Un avenir encore incertain, mais porteur d’espoir

Malgré ces obstacles, l’optimisme reste permis. L’éveil des jeunes entrepreneurs agricoles, l’émergence de coopératives dynamiques, et la demande internationale toujours plus forte en cacao durable constituent des signaux positifs. Si le Nigeria parvient à créer une véritable chaîne de valeur autour du cacao – de la production à la transformation locale –, il pourrait non seulement réduire sa dépendance au pétrole, mais aussi créer des milliers d’emplois et stabiliser ses zones rurales.

En somme, la relance du cacao au Nigeria est bien plus qu’un enjeu agricole : c’est une question de souveraineté économique, de justice sociale et de transition durable. Reste à savoir si le pays aura le courage politique et la rigueur nécessaire pour transformer cette promesse en réalité.

Times Infos 

Par David Barne.

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