À 99 ans, Abdoulaye Wade reste une légende vivante de la politique sénégalaise

Kébémer, 29 mai 2025 – C’est une date hautement symbolique dans l’histoire politique du Sénégal. Ce jeudi 29 mai 2025, Maître Abdoulaye Wade, ancien président de la République, a célébré ses 99 ans. Une vie presque centenaire, marquée par un parcours exceptionnel d’homme d’État, de juriste, d’opposant infatigable et de chef d’État réformateur. L’occasion de revenir sur l’héritage d’un patriarche dont l’ombre plane encore sur la scène politique sénégalaise.

Le penseur du « Sopi », architecte du changement démocratique

Né le 29 mai 1926 à Kébémer, Abdoulaye Wade entre dans l’histoire comme le fondateur du Sopi – terme wolof signifiant « changement » – qui a structuré l’opposition politique au pouvoir socialiste pendant plus de deux décennies. Après des années d’enseignement et de militantisme, il fonde en 1974 le Parti Démocratique Sénégalais (PDS), dont il sera le chef incontesté pendant plus de 40 ans.

Ses premières candidatures présidentielles, à partir de 1978, se soldent par des défaites. Mais Wade devient rapidement la principale figure de l’opposition, capable de mobiliser les masses et de structurer une véritable alternative politique. Après plusieurs arrestations, procès et exils, il finit par triompher lors de l’élection de mars 2000, battant le président sortant Abdou Diouf. Il devient alors le troisième président de la République du Sénégal.

Réformes, contrastes et héritage

Son premier mandat est marqué par des réformes constitutionnelles majeures : l’instauration du quinquennat, la création du Conseil économique et social, ou encore l’ambitieux projet de l’Organisation de la Conférence islamique. Son gouvernement modernise plusieurs secteurs et initie de grands travaux, notamment dans les infrastructures routières et aéroportuaires.

Mais Wade est aussi critiqué pour son style de gouvernance centralisé, les soupçons de népotisme et la forte personnalisation du pouvoir. Il se fait réélire en 2007, rétablit le septennat en 2008, et décide de briguer un troisième mandat en 2012, provoquant une vague de contestation. Il est battu au second tour par Macky Sall, son ancien Premier ministre.

Une figure familiale, entre transmission et controverses

Marié à Viviane Vert, Abdoulaye Wade est père de deux enfants : Karim Wade, ancien ministre, et Sindiély Wade, ancienne assistante spéciale de la présidence. Sindiély est aussi connue pour avoir participé au rallye Paris-Dakar en 2005 en tant que pilote, une facette peu connue de la famille présidentielle.

Karim Wade, présenté par beaucoup comme l’héritier politique, est nommé ministre d’État en 2009, avec un portefeuille ministériel tentaculaire. Il sera condamné en 2015 pour enrichissement illicite, et s’exile à Doha, au Qatar, où il vit depuis plus d’une décennie. Sa candidature à l’élection présidentielle de 2024 sera bloquée, mais il soutiendra finalement Bassirou Diomaye Faye, tout comme son père.

Le vieux lion bénit la relève : le dernier geste politique

En mars 2024, à quelques jours de l’élection présidentielle, Bassirou Diomaye Faye, alors candidat de la coalition « Diomaye Président », rend visite à l’ancien président Wade. Ce dernier lui apporte publiquement son soutien, appelant les Sénégalais à voter pour lui. Ce geste symbolique, loin d’être anodin, scelle une alliance transgénérationnelle et donne un poids historique à la victoire de Diomaye Faye au soir du 24 mars 2024.

À 99 ans, Maître Wade continue de peser dans le débat national, sans plus s’exprimer publiquement, mais en gardant une posture de patriarche que l’on vient consulter.

Un siècle d’histoire, une vie d’engagement

À l’aube de ses 100 ans, Abdoulaye Wade est plus qu’un ancien président. Il incarne la mémoire vivante du Sénégal postcolonial, un témoin privilégié de la construction démocratique du pays, mais aussi un acteur majeur de ses mutations. Ses partisans saluent l’homme de vision, de courage, et de rupture. Ses détracteurs pointent une gouvernance marquée par des dérives et une tentative de succession dynastique.

Mais une chose est certaine : l’Histoire retiendra le nom d’Abdoulaye Wade comme celui d’un homme qui a façonné le destin du Sénégal, défié le temps, et incarné une opposition patiente devenue pouvoir.

Par Mbak Ndèye
Correspondante internationale – Times Infos

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