Au Cameroun : le retour de Paul Biya marque-t-il un signe de stabilité ou de crise silencieuse ?

Le 21 octobre 2024, Paul Biya, président du Cameroun depuis plus de quarante ans, fait son retour à Yaoundé après une absence de 49 jours. Ce retour, bien que prévisible pour certains, a pris de court bon nombre d’observateurs politiques et a ravivé les débats sur la longévité de son régime, sur la stabilité politique du Cameroun, et sur les tensions internes qui auraient pu éclater en son absence. Cet événement soulève des questions importantes quant à la gouvernance du pays, la légitimité du pouvoir en place, et les possibles répercussions à venir.

L’absence prolongée de Biya : une anomalie politique ?

Le Boeing immatriculé CMR001, transportant le président camerounais Paul Biya, a quitté Genève en fin de matinée du 21 octobre 2024, selon divers sites de traçage aérien. Ces informations confirment que Paul Biya résidait en Suisse ces dernières semaines, une pratique courante pour le chef de l’État, qui y séjourne fréquemment pour des raisons de santé ou de repos. Genève est depuis longtemps un lieu privilégié pour ses visites prolongées, suscitant parfois des critiques sur son absence prolongée du pays.

Ce vol a marqué un retour de Paul Biya au Cameroun, où son absence prolongée alimentait des débats politiques. À 91 ans, Biya est l’un des plus anciens dirigeants au pouvoir, et ses déplacements fréquents à l’étranger, notamment pour des raisons médicales, soulèvent des préoccupations sur sa capacité à gouverner. Le suivi public de ces vols reflète également l’intérêt croissant des Camerounais et de la communauté internationale quant à l’avenir politique du Cameroun, alors que des incertitudes subsistent sur la transition à la tête de l’État.

L’absence de Paul Biya a été particulièrement remarquée pour plusieurs raisons. D’une part, elle a duré près de deux mois, un laps de temps qui, sans communication officielle précise, a alimenté les spéculations les plus diverses. D’autre part, la gestion politique durant cette période a révélé certains dysfonctionnements au sein de l’appareil d’État, notamment en ce qui concerne la transparence vis-à-vis de la population.

Les rumeurs autour de la santé du président ont à nouveau émergé, une thématique récurrente qui revient à chaque fois que Biya s’absente. En l’absence de preuves tangibles, il est difficile de confirmer ces suspicions, mais elles traduisent un sentiment d’incertitude croissant quant à l’avenir politique du pays. Les questions sur la succession demeurent taboues dans un pays où la stabilité du pouvoir est étroitement associée à la figure de Biya lui-même. Cette longue absence, dans un contexte déjà fragile, a été vécue comme une anomalie politique, voire une crise silencieuse pour certains.

Un retour qui ne dissipe pas les inquiétudes

Si le retour de Paul Biya a ramené un certain calme apparent à Yaoundé, il ne dissipe pas totalement les inquiétudes. En effet, l’absence prolongée d’un chef d’État, surtout dans un pays comme le Cameroun, où les institutions sont fortement centralisées autour de sa personne, soulève la question de la continuité du pouvoir. Durant ces 49 jours, l’absence de signaux clairs sur la gouvernance du pays a laissé place à une série d’interprétations, allant des scénarios de succession prématurée à des hypothèses de manœuvres internes pour redéfinir le paysage politique camerounais.

Le retour de Biya, tout en étant un geste rassurant pour ses partisans, pourrait ne pas être suffisant pour calmer toutes les tensions. D’un côté, ses soutiens le voient comme un symbole de continuité et de stabilité, et saluent ce retour comme un signal fort que rien ne changera. De l’autre, ses détracteurs considèrent cette absence comme une preuve de la nécessité de repenser le système politique actuel, et une opportunité manquée pour un changement au sommet.

Tensions internes et repositionnements politiques

L’absence de Biya a laissé un vide que certains au sein de l’élite politique pourraient avoir tenté d’exploiter. Des rumeurs de luttes internes au sein du gouvernement ont circulé, avec certains hauts fonctionnaires cherchant peut-être à tirer parti de cette situation incertaine. Ce type de repositionnement est courant dans des régimes fortement personnalisés, où chaque moment d’absence du leader est perçu comme une possible opportunité de réorganisation.

Toutefois, Biya, connu pour sa capacité à naviguer avec habileté au sein de son propre système, pourrait choisir d’ignorer ces manœuvres internes. Mais si les tensions devenaient trop visibles ou menaçaient la cohésion de son gouvernement, des sanctions pourraient être envisagées. La question demeure : sanctionnera-t-il ceux qui, dans l’ombre, auraient tenté de déstabiliser son pouvoir ?

Une stabilité à double tranchant

Le retour de Paul Biya est souvent perçu comme une forme de stabilisation, une assurance que les fondements du régime demeurent intacts. Cependant, cette stabilité pourrait s’avérer être à double tranchant. D’un côté, le maintien de Biya rassure sur la continuité du système actuel. De l’autre, il entretient un statu quo qui empêche toute réelle transition politique, maintenant une incertitude quant à l’avenir du Cameroun après Biya.

À long terme, cette stabilité pourrait se transformer en un obstacle pour la modernisation du pays. Le Cameroun, malgré ses ressources et son potentiel, souffre d’un manque d’initiatives politiques renouvelées et d’une dynamique de réforme étouffée par la personnalisation du pouvoir. La question qui se pose désormais est de savoir si le pays peut se permettre de maintenir un système aussi figé sans risquer de graves bouleversements à l’avenir.

Biya, maître du jeu ou otage du système ?

Le retour de Paul Biya pourrait être interprété comme une victoire symbolique sur les rumeurs de déstabilisation. Pourtant, ce geste, bien qu’important, ne règle pas les tensions sous-jacentes qui minent le système politique camerounais. Le pays est toujours confronté à des défis de gouvernance majeurs, avec une opposition qui se renforce et une population de plus en plus désillusionnée par l’absence de réformes.

Biya reste maître du jeu pour le moment, mais il devient aussi, de plus en plus, l’otage du système qu’il a lui-même façonné. Son retour à Yaoundé ne doit pas seulement être vu comme un événement rassurant, mais comme une opportunité de réflexion sur l’avenir du Cameroun. L’histoire nous montrera si ce retour marque le début d’un nouveau chapitre ou le prolongement d’une ère déjà épuisée.

Times Infos 

Par Nancy Nguema. 

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