Cacao : crise ouverte entre Telcar Cocoa et le géant américain Cargill

La relation de près de deux décennies entre Telcar Cocoa, acteur dominant du marché cacaoyer camerounais, et le négociant international Cargill est en pleine tourmente. Alors que Telcar contrôlait 35 % du marché national, la décision de Cargill de diversifier ses approvisionnements met en lumière des tensions jusque-là restées discrètes, mais désormais lourdes de conséquences pour le secteur.

Un partenariat stratégique remis en cause

Depuis août 2024, Cargill a cessé de s’approvisionner exclusivement auprès de Telcar Cocoa, un changement brutal pour une collaboration qui avait fait du Cameroun un acteur majeur sur la scène internationale du cacao. Cette décision marque un tournant dans les relations entre les deux entreprises. Les causes précises de cette rupture restent floues, mais certains observateurs évoquent des différends sur la gestion des prix et des objectifs stratégiques.

Telcar Cocoa, sous la direction de Kate Fotso, avait pourtant démontré son poids sur le marché en janvier 2024, en offrant un prix record de 2 520 FCFA par kilogramme de fèves de cacao, éclipsant ses concurrents. Cette initiative, visant à consolider sa position, pourrait avoir exacerbé les tensions avec Cargill, réputé pour ses exigences de compétitivité et de rentabilité.

Conséquences pour le secteur cacaoyer camerounais

Cette crise survient à un moment critique pour le Cameroun, alors que le pays s’efforce de s’adapter aux nouvelles réglementations européennes sur la traçabilité des produits agricoles. Depuis le 31 décembre 2020, l’Union européenne exige que les produits importés ne proviennent pas de terres récemment déforestées. Pour répondre à ces attentes, l’Association camerounaise du cacao et du café (CICC) a lancé une plateforme numérique pour localiser les plantations, avec le soutien d’exportateurs clés, dont Telcar Cocoa.

Cependant, la fragilisation de Telcar Cocoa pourrait compliquer ces efforts. La perte de l’exclusivité avec Cargill pourrait affaiblir les projets de transformation de l’entreprise, notamment son usine de Kribi, et offrir des opportunités à des concurrents locaux tels que Neo Industry ou des acteurs internationaux comme Ferrero.

Un enjeu national et international

Au-delà des rivalités commerciales, cette rupture révèle les défis structurels du secteur cacaoyer camerounais. Avec une production annuelle d’environ 290 000 tonnes, le pays est le cinquième producteur mondial de cacao. Pourtant, il reste confronté à des enjeux de modernisation, de compétitivité internationale et d’adaptation aux normes environnementales croissantes.

Le rôle de Telcar Cocoa, longtemps perçu comme un pilier du marché, sera crucial pour maintenir la stabilité de la filière. Mais l’entreprise devra désormais naviguer sans le soutien exclusif de Cargill, un partenaire qui représentait une part significative de ses exportations.

Quelles perspectives ?

La crise entre Telcar Cocoa et Cargill pourrait redéfinir les dynamiques du secteur cacaoyer au Cameroun. Tandis que certains y voient une opportunité pour diversifier les partenariats, d’autres craignent que cette rupture ne fragilise davantage les producteurs locaux, souvent à la merci des fluctuations du marché.

Pour l’instant, Telcar Cocoa garde le silence sur les détails de la situation, mais il est évident que l’entreprise devra redoubler d’efforts pour maintenir sa position. Quant à Cargill, son pivot vers d’autres fournisseurs indique une stratégie de diversification qui pourrait redistribuer les cartes du commerce cacaoyer en Afrique centrale.

Cette rupture rappelle que, derrière la douceur du chocolat, se cache un monde d’intérêts complexes et de rivalités économiques, où chaque décision peut avoir des répercussions profondes sur des milliers de vies.

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Par Patrick Kindé

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