Cameroun : Entre pressions du FMI et stabilité sociale, le pari risqué sur les carburants

Alors que le Cameroun fait face à une exigence croissante de réforme économique dictée par ses engagements avec le Fonds Monétaire International (FMI), le gouvernement a pris la décision de ne pas augmenter les prix des carburants à la pompe en 2025. Si cette mesure vise à préserver la paix sociale, elle soulève d’importantes questions sur la viabilité de la stratégie économique du pays à moyen et long terme.

Les subventions sur les carburants : un fardeau pour l’économie

Depuis des années, le Cameroun maintient des subventions conséquentes sur les produits pétroliers pour rendre ces derniers accessibles à la majorité de sa population. En 2022, ces subventions représentaient plus de 700 milliards de FCFA, une somme colossale dans un contexte de ressources budgétaires limitées. Bien que cette politique permette d’alléger le coût de la vie, elle prive l’État de ressources cruciales pour financer des secteurs clés comme l’éducation, la santé et les infrastructures.

Les engagements du Cameroun auprès du FMI, signés dans le cadre d’un programme triennal, incluent une réduction progressive de ces subventions. Ce processus devait s’accompagner d’une hausse des prix à la pompe. Toutefois, ces réformes risquent de provoquer des tensions sociales, en particulier dans un pays où les inégalités sont marquées et où une grande partie de la population dépend de l’économie informelle.

Une décision motivée par la crainte des troubles sociaux

En renonçant à augmenter les prix des carburants en 2025, le gouvernement semble vouloir éviter une répétition des manifestations sociales qui ont marqué le pays dans le passé. Les hausses de carburants sont perçues comme des déclencheurs de crises, car elles impactent immédiatement le coût des transports, des produits alimentaires et d’autres biens essentiels.

Cependant, cette décision peut également être interprétée comme une mesure politique à court terme. En effet, préserver la stabilité sociale est souvent prioritaire dans un contexte où des échéances électorales ou des revendications populaires pourraient fragiliser davantage le climat national. Mais à quel prix cette stabilité sera-t-elle maintenue ? En repoussant une réforme essentielle, le Cameroun prend le risque de creuser davantage son déficit budgétaire, rendant les ajustements futurs encore plus douloureux.

Les limites d’une stratégie de statu quo

Le maintien des subventions sur les carburants présente des limites évidentes. Cette politique profite souvent de manière disproportionnée aux ménages les plus aisés, qui consomment davantage de carburant, au détriment des populations les plus vulnérables. De plus, elle exerce une pression sur les finances publiques et limite la marge de manœuvre économique du gouvernement.

À long terme, une réforme bien pensée pourrait inclure des mesures d’accompagnement pour atténuer les impacts sur les ménages défavorisés. Cela pourrait prendre la forme de subventions ciblées ou de programmes de transferts monétaires. Cependant, l’absence d’une stratégie claire pour introduire ces réformes laisse planer le doute sur la capacité du Cameroun à répondre efficacement aux exigences du FMI tout en assurant un développement inclusif.

Le FMI, un acteur incontournable mais contesté

Les réformes imposées par le FMI, bien qu’essentielles pour assainir les finances publiques, suscitent souvent des controverses. Dans de nombreux pays, elles sont perçues comme des mesures déconnectées des réalités sociales, entraînant des coûts sociaux importants. Pour le Cameroun, la collaboration avec le FMI est cruciale pour maintenir l’accès à des financements extérieurs. Toutefois, le gouvernement devra faire preuve de créativité pour concilier ces exigences avec les attentes de sa population.

Un pari risqué pour l’avenir

En choisissant de geler la hausse des prix des carburants, le Cameroun mise sur une stabilité sociale immédiate, au détriment d’une réforme structurelle nécessaire. Ce choix risque de devenir un piège si les tensions budgétaires s’aggravent. Le défi pour les autorités sera d’élaborer une feuille de route transparente et inclusive, capable de transformer une contrainte économique en opportunité de développement durable. Le temps presse, et chaque décision différée pourrait rendre l’avenir plus incertain.

Dans un monde où la transition énergétique et les réformes structurelles sont devenues des impératifs, le Cameroun devra tôt ou tard affronter cette réalité. La question est de savoir si le gouvernement agira avec anticipation ou sous la contrainte.

Times Infos

Par David Mbok.

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