Cameroun : réduction des subventions aux carburants, un pari risqué pour Paul Biya face à une année électorale cruciale

Sous la pression du Fonds monétaire international (FMI), le Cameroun prévoit une diminution drastique des subventions aux produits pétroliers dans son budget 2025, une réduction qui pourrait exacerber les tensions sociales à quelques mois de l’élection présidentielle. Cette mesure, inscrite dans une logique d’assainissement des finances publiques, pose un défi majeur au président Paul Biya, dont le régime pourrait être fragilisé par une population déjà éprouvée par des conditions économiques difficiles.

Une réforme imposée sous la contrainte du FMI

La réduction des subventions sur les carburants découle des engagements pris par Yaoundé dans le cadre de son programme économique avec le FMI. Ce dernier considère ces aides publiques comme inefficaces, estimant qu’elles profitent davantage aux classes aisées qu’aux populations les plus vulnérables. En 2023, le Cameroun a consacré 700 milliards de FCFA pour maintenir le prix des carburants à des niveaux abordables. Mais en 2025, cette enveloppe pourrait être réduite à seulement 44,7 milliards de FCFA, une diminution de 93,65 %.

Pour le gouvernement, cette réforme est censée permettre de réorienter les ressources vers des investissements dans les infrastructures, la santé ou l’éducation. Toutefois, elle intervient dans un contexte où l’économie camerounaise est déjà sous pression, avec une inflation persistante et un pouvoir d’achat en berne.

Des répercussions directes sur la population

La hausse prévisible des prix des carburants aura un impact immédiat sur le coût de la vie. Le secteur des transports, largement dépendant des produits pétroliers, sera particulièrement affecté, entraînant une augmentation des tarifs des déplacements et des biens de consommation. Les ménages modestes, déjà confrontés à une inflation élevée, subiront de plein fouet cette mesure, qui pourrait provoquer une vague de mécontentement à l’échelle nationale.

Le souvenir des émeutes de 2008, déclenchées par une augmentation des prix des carburants, hante encore les esprits. À l’époque, des centaines de personnes avaient manifesté à travers le pays, dénonçant la cherté de la vie et l’immobilisme du gouvernement. Aujourd’hui, avec une population plus connectée et une jeunesse désabusée, les risques d’un soulèvement social sont encore plus élevés.

Un pari politique périlleux à l’approche de 2025

Cette réforme intervient dans un contexte politique sensible. En 2025, le Cameroun organisera une élection présidentielle décisive, et Paul Biya, au pouvoir depuis 1982, pourrait briguer un nouveau mandat à l’âge de 91 ans. Alors que son régime fait face à une contestation croissante, notamment de la part des jeunes et des mouvements de l’opposition, la suppression des subventions pourrait exacerber les frustrations et éroder davantage sa base de soutien.

Si Paul Biya espère convaincre les bailleurs internationaux en mettant en œuvre les recommandations du FMI, il risque de s’aliéner une partie importante de la population. L’opposition pourrait exploiter ce mécontentement pour mobiliser les électeurs et fragiliser davantage un régime vieillissant.

Des alternatives pour atténuer les tensions

Face aux risques sociaux et politiques, le gouvernement camerounais pourrait adopter des mesures d’accompagnement pour limiter les effets de cette réforme :

1. Ciblage des subventions : Remplacer les subventions généralisées par des aides ciblées pour les ménages à faible revenu et les secteurs stratégiques comme les transports publics.

2. Sensibilisation et transparence : Expliquer aux populations les raisons de cette réforme et les bénéfices à long terme, tout en garantissant une redistribution équitable des économies réalisées.

3. Réduction progressive : Étaler la suppression des subventions sur plusieurs années afin de limiter l’impact sur les prix et de donner le temps à l’économie de s’ajuster.

Une réforme nécessaire mais mal-aimée

La suppression des subventions aux carburants au Cameroun illustre le dilemme auquel font face de nombreux pays en développement. Bien qu’économiquement justifiée, cette mesure est politiquement risquée, surtout dans un contexte préélectoral. En cédant aux exigences du FMI, Paul Biya pourrait mettre en péril la stabilité de son régime et provoquer un mécontentement social difficile à contenir.

Si mal gérée, cette réforme pourrait marquer un tournant pour un régime qui peine déjà à répondre aux aspirations d’une population jeune, en quête de justice sociale et de meilleures conditions de vie. Pour le Cameroun, 2025 ne sera pas seulement une année électorale, mais aussi un test de résilience face à des choix économiques déterminants.

Times Infos 

Par Amir Baron.

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