Lors d’une réunion exceptionnelle à Abuja, la Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO) a lancé un ultime appel au dialogue à destination du Mali, du Niger et du Burkina Faso. Ces trois pays, désormais regroupés sous la bannière de l’Alliance des États du Sahel (AES), envisagent de quitter définitivement l’organisation régionale, une décision qui pourrait survenir dès le 29 juillet prochain. Face à cette menace de fracture, la Cédéao a proposé un délai supplémentaire de six mois pour tenter de préserver l’unité de l’Afrique de l’Ouest.
Une initiative pour sauver l’intégration régionale
La proposition de la Cédéao vise à apaiser les tensions et à éviter une rupture qui aurait des conséquences profondes sur la région, déjà fragilisée par des crises politiques et sécuritaires. Selon les chefs d’État réunis, ce délai devrait permettre d’établir un dialogue plus inclusif et de trouver des solutions aux désaccords ayant conduit les trois pays sahéliens à former leur propre alliance.
Depuis les coups d’État successifs ayant mis en place des gouvernements militaires au Mali, au Niger et au Burkina Faso, les relations entre ces nations et la Cédéao se sont considérablement détériorées. Les autorités de ces pays reprochent à l’organisation une approche jugée trop interventionniste, notamment en ce qui concerne les sanctions économiques et politiques imposées après les putschs. Pour eux, l’AES est un outil stratégique visant à reprendre le contrôle de leurs politiques internes et à adopter des solutions plus adaptées aux réalités sahéliennes.
Les enjeux sécuritaires : une région au bord du chaos
Au cœur de ce conflit institutionnel, la question sécuritaire reste centrale. Le Sahel est devenu un foyer d’instabilité, marqué par une recrudescence des attaques djihadistes et des violences intercommunautaires. Ces pays estiment que la réponse de la Cédéao face à cette crise a été inefficace et inadaptée, d’où leur volonté de mutualiser leurs forces dans le cadre de l’AES.
Cependant, la scission compromettrait les mécanismes régionaux de lutte contre le terrorisme, tels que la Force conjointe du G5 Sahel et d’autres initiatives coordonnées. La coopération transfrontalière étant essentielle pour contenir la menace djihadiste, une désunion entre les membres de la Cédéao pourrait aggraver l’insécurité dans toute la région.
Des conséquences économiques lourdes
Outre les préoccupations sécuritaires, la sortie du Mali, du Niger et du Burkina Faso aurait un impact significatif sur l’intégration économique régionale. Les échanges commerciaux, déjà affectés par les sanctions et les instabilités politiques, risquent de subir un coup fatal. La Cédéao, qui représente l’un des blocs économiques les plus dynamiques d’Afrique, pourrait voir sa crédibilité et son influence considérablement réduites.
Par ailleurs, les trois pays sahéliens, enclavés et économiquement dépendants des autres membres de la Cédéao, pourraient également subir les conséquences de leur isolement. Cette situation complexifierait davantage les efforts de développement dans une région où les populations font face à des défis majeurs liés à la pauvreté, à l’insécurité alimentaire et aux effets du changement climatique.
Un avenir incertain pour la coopération régionale
Malgré la main tendue de la Cédéao, les perspectives de réconciliation demeurent incertaines. L’AES a affirmé sa volonté de s’affranchir de ce qu’elle considère comme une « tutelle étrangère » sur ses politiques intérieures. Les désaccords idéologiques et stratégiques semblent s’approfondir, rendant difficile un compromis entre les deux blocs.
La proposition de délai supplémentaire de six mois pourrait représenter une dernière chance pour éviter une fracture définitive. Toutefois, si le dialogue échoue, l’Afrique de l’Ouest pourrait se retrouver face à une réalité où deux blocs antagonistes coexistent, avec des répercussions durables sur la stabilité et le développement de la région.
La réunion d’Abuja marque donc un moment critique dans l’histoire de la Cédéao. L’avenir de l’intégration régionale dépendra de la capacité des dirigeants à surmonter leurs divergences et à privilégier l’intérêt commun face aux défis titanesques auxquels est confrontée l’Afrique de l’Ouest.
Times Infos
Par Cédric Baloch.