La procédure judiciaire intentée contre Tidjane Thiam, président du Parti Démocratique de Côte d’Ivoire (PDCI-RDA), révèle les tensions profondes qui minent le plus ancien parti politique ivoirien. Accusé par quatre secrétaires de section de ne pas remplir les conditions statutaires pour diriger le parti, Thiam se retrouve confronté à une fronde interne à huit mois de l’élection présidentielle.
Derrière cet affrontement juridique se cache une lutte de pouvoir entre deux visions du PDCI : l’une, incarnée par Thiam, qui prône un renouvellement du leadership et une modernisation du parti ; l’autre, portée par des figures historiques comme Jean-Louis Billon, qui défendent une continuité dans l’héritage d’Henri Konan Bédié. Cette dualité soulève une question essentielle : le PDCI peut-il survivre à ces luttes intestines sans compromettre son rôle dans l’échiquier politique ivoirien ?
Une attaque fondée sur des fragilités réelles
Les arguments avancés par les plaignants ne sont pas dénués de fondement. L’article 41 des statuts du parti stipule que le président doit avoir été membre du Bureau politique pendant au moins dix ans, une condition que Tidjane Thiam ne remplit pas pleinement. De plus, son accession à la présidence du PDCI en décembre 2023 a suscité des interrogations sur la transparence du processus.
Un autre point litigieux concerne sa nationalité. Bien qu’il ait renoncé à sa nationalité française en février 2025, ses opposants affirment que cela entache la légitimité de son élection. Dans un pays où la question de la nationalité reste hautement sensible, cette faille est exploitée pour fragiliser davantage sa position.
Des enjeux bien au-delà du PDCI
La crise que traverse le PDCI ne concerne pas uniquement son leadership, mais touche aussi l’ensemble du paysage politique ivoirien. Avec une élection présidentielle imminente, cette affaire pourrait affaiblir le parti et compromettre ses chances de jouer un rôle déterminant en 2025. La division entre les partisans de Thiam et ceux de Billon risque d’offrir un avantage à l’actuel parti au pouvoir, le Rassemblement des Houphouëtistes pour la Démocratie et la Paix (RHDP), qui pourrait profiter de ces querelles pour consolider son emprise sur la scène politique.
L’électorat ivoirien, quant à lui, observe cette lutte avec une certaine appréhension. Dans un contexte où la stabilité politique reste précaire, un PDCI divisé pourrait accentuer les tensions et limiter les alternatives démocratiques. Cette affaire met en lumière la difficulté des partis traditionnels à se réinventer tout en préservant leur unité.
Quelle issue pour Tidjane Thiam ?
L’audience prévue le 27 février 2025 sera déterminante pour l’avenir de Thiam à la tête du PDCI. Si la justice tranche en faveur des plaignants, cela pourrait signifier son exclusion du leadership et un bouleversement profond au sein du parti. Dans le cas contraire, cette tentative de déstabilisation pourrait renforcer sa position et lui offrir un tremplin pour l’élection présidentielle.
Toutefois, au-delà des batailles judiciaires, Thiam devra convaincre qu’il est l’homme de la situation pour unir un parti fracturé. Son passé de banquier international et son aura de technocrate ne suffiront pas à répondre aux attentes d’une base militante qui aspire à une direction forte et enracinée dans les réalités locales.
La crise au PDCI-RDA illustre les défis de la démocratie interne dans les partis politiques africains. La capacité de Thiam à surmonter ces obstacles déterminera non seulement son avenir personnel, mais aussi celui d’un parti historique en quête de renouveau.
Times Infos
Par Mbak Ndèye.