Crémation au Gabon : Une révolution funéraire entre tradition et volonté individuelle

Au Gabon, la mort est bien plus qu’un simple passage. Elle est une continuité de l’existence dans l’au-delà, un lien indéfectible avec les ancêtres et un moment où la communauté tout entière se mobilise pour rendre hommage au défunt. Pourtant, une transformation majeure est sur le point de modifier ces pratiques ancestrales : la légalisation de la crémation, sous réserve d’une demande écrite du défunt de son vivant. Une décision qui, bien que novatrice, soulève de nombreuses interrogations et provoque déjà des débats passionnés au sein de la société gabonaise.

Si dans les cultures occidentales ou asiatiques, la crémation est une pratique courante, en Afrique, et particulièrement au Gabon, elle reste marginale, voire taboue. L’idée même de brûler un corps au lieu de lui offrir une sépulture traditionnelle est perçue comme une rupture avec les coutumes et les croyances spirituelles. Pour beaucoup, la crémation représente une forme d’oubli, une négation de l’importance du lien entre les vivants et leurs ancêtres. Dès lors, accepter ce mode funéraire signifie-t-il trahir ses origines ? Ou au contraire, est-ce une évolution nécessaire face aux réalités modernes ?

Respecter la volonté du défunt ou préserver les traditions ?

L’un des principaux points de tension autour de la crémation repose sur le respect des dernières volontés du défunt. Selon la future réglementation, la crémation ne pourra être effectuée que si la personne l’a explicitement demandé de son vivant. Mais cette volonté sera-t-elle respectée par les familles, souvent attachées aux rites traditionnels ?

Un observateur souligne une contradiction frappante dans les pratiques funéraires actuelles : « Lorsqu’une personne est en détresse de son vivant, nombreux sont ceux qui détournent le regard. Mais à sa mort, on exige de suivre les coutumes à la lettre. Pourquoi alors refuser sa dernière volonté ? ». Cette réflexion met en lumière une réalité parfois amère : l’hypocrisie de certains cercles familiaux où l’intérêt financier et social prime sur l’amour véritable. En ce sens, la crémation pourrait être perçue comme un ultime pied de nez aux conventions établies, une manière pour certains de s’affranchir d’un système où la mort devient un théâtre d’apparences.

D’un autre côté, des chefs traditionnels et des croyants estiment que la crémation est une menace pour l’identité culturelle africaine. « Nos ancêtres reposent en terre, et nous communiquons avec eux à travers leurs sépultures. Si nous brûlons nos morts, comment perpétuer cette connexion ? », s’interroge un notable gabonais. Cette perception spirituelle fait de l’inhumation un rite sacré qui dépasse la simple question de choix personnel. Dès lors, la légalisation de la crémation pose un dilemme : doit-on privilégier la liberté individuelle au détriment des valeurs communautaires ?

Un choix pragmatique face aux réalités modernes

Au-delà des considérations culturelles, la crémation répond aussi à des enjeux pratiques. Les cimetières gabonais, en particulier dans les grandes villes comme Libreville et Port-Gentil, souffrent d’un manque d’espace criant. Trouver un terrain pour inhumer un proche devient un véritable casse-tête et engendre des coûts importants pour les familles. Dans ce contexte, la crémation apparaît comme une alternative économique et pragmatique, permettant d’éviter des dépenses excessives liées à l’achat d’une concession funéraire.

Un autre argument en faveur de la crémation repose sur la sécurité des sépultures. Au Gabon, comme dans plusieurs pays d’Afrique, des cas de profanation de tombes sont régulièrement signalés. Des corps sont exhumés pour des pratiques mystiques ou par pure malveillance. « La crémation mettrait fin à ces actes barbares où des ossements sont volés pour des rituels occultes », explique un défenseur de cette nouvelle pratique.

Une évolution inévitable, mais une acceptation progressive

Si la légalisation de la crémation marque une avancée législative importante, son adoption par la population gabonaise sera un processus long et délicat. L’acceptation sociale nécessitera un travail de sensibilisation, afin de dissiper les peurs et les réticences liées à cette pratique encore méconnue.

L’histoire nous montre que les traditions évoluent avec le temps. Ce qui paraissait impensable hier devient normalité aujourd’hui. L’avenir nous dira si le Gabon, malgré ses profondes racines culturelles, suivra la voie de la modernité funéraire en permettant aux individus de choisir librement comment ils souhaitent quitter ce monde. Entre respect des traditions et libertés individuelles, la crémation ouvre un débat qui ne fait que commencer.

Times Infos 

Par Nancy Nguema.

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