Ce dimanche 15 décembre, les chefs d’État de la Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO) se réuniront pour examiner la situation de plus en plus conflictuelle avec trois de ses membres : le Mali, le Burkina Faso et le Niger. Cette rencontre pourrait acter une décision historique, à savoir le départ de ces trois pays, désormais dirigés par des régimes militaires, et qui semblent vouloir se distancer de l’organisation sous-régionale. Mais malgré des positions fermes de part et d’autre, une sortie négociée pourrait être envisagée pour éviter une rupture brutale.
Une fracture politique et idéologique profonde
Depuis les coups d’État successifs au Mali (2020), au Burkina Faso (2022) et au Niger (2023), ces trois pays ont contesté ouvertement les principes fondamentaux de la CEDEAO, notamment le respect de la gouvernance démocratique et les délais fixés pour les transitions politiques. En réponse, l’organisation a imposé des sanctions économiques et diplomatiques, qualifiées par les autorités militaires de « coercitives et contre-productives ».
Ces divergences ont abouti à une escalade des tensions, marquée par le retrait des ambassadeurs de certains pays et des positions de plus en plus radicales. Pour le Mali, le Burkina Faso et le Niger, la CEDEAO n’incarne plus les intérêts collectifs de la région mais représente un instrument de pression des grandes puissances occidentales, une critique récurrente chez les nouveaux régimes militaires.
Une réponse régionale alternative
Face à ces désaccords, le Mali, le Burkina Faso et le Niger ont décidé de renforcer leur coopération en créant en septembre 2023 l’Alliance des États du Sahel (AES), un partenariat militaire et politique qui vise à coordonner leurs efforts pour combattre le terrorisme dans la région. Cette initiative marque un tournant stratégique, car elle symbolise leur volonté de se détacher des mécanismes de la CEDEAO pour bâtir une alternative régionale plus adaptée à leurs priorités.
Cependant, cette fragmentation des alliances régionales pourrait compliquer la lutte contre les menaces djihadistes dans le Sahel. La CEDEAO, qui cherche à coordonner les efforts sécuritaires à l’échelle sous-régionale, pourrait perdre en efficacité face à cette nouvelle configuration.
Une sortie aux lourdes conséquences
Le départ officiel de ces trois États aurait des répercussions significatives sur le plan économique et sécuritaire. Ensemble, le Mali, le Burkina Faso et le Niger représentent une part importante de la superficie et de la population de la CEDEAO. Leur exclusion affaiblirait l’organisation en termes de représentativité et de crédibilité, notamment sur la scène internationale.
Sur le plan économique, la rupture risquerait de perturber les échanges commerciaux transfrontaliers, essentiels pour des pays enclavés comme le Burkina Faso et le Niger. Les sanctions déjà en vigueur contre ces États ont montré leurs limites, mais un départ définitif pourrait entraîner des ruptures d’approvisionnement et une instabilité économique accrue dans la région.
Une issue encore incertaine
Malgré le caractère inévitable de cette séparation, la CEDEAO pourrait opter pour une approche plus souple, en évitant une expulsion formelle. Une sortie négociée permettrait de maintenir des liens de coopération dans des domaines cruciaux tels que la sécurité et le commerce. Cela pourrait également ouvrir la voie à des partenariats bilatéraux ou multilatéraux spécifiques, en dehors du cadre institutionnel classique.
Cette réunion du 15 décembre sera donc déterminante. Elle pourrait acter une scission majeure dans l’histoire de la CEDEAO, tout en redéfinissant les dynamiques de coopération régionale en Afrique de l’Ouest. Face à des défis communs, comme la montée du terrorisme et les crises économiques, l’enjeu sera de concilier les divergences idéologiques tout en préservant un minimum de coordination régionale.
Une CEDEAO à la croisée des chemins
Cette crise révèle les faiblesses structurelles de la CEDEAO et pose des questions fondamentales sur sa capacité à répondre aux aspirations de ses membres. Pour les dirigeants ouest-africains, cette réunion ne sera pas seulement un examen de la situation actuelle mais une opportunité de repenser l’organisation pour l’adapter aux réalités géopolitiques et sécuritaires du continent.
Times Infos
Par Mbok Kane.