ÉDITORIAL – EMANE NTOLE : RENDONS-LUI LA TERRE QUI L’A VU NAÎTRE

« Il est temps que le Gabon réclame les restes de son héros déporté »

Un monument a été érigé en son honneur. Des cérémonies sont organisées pour commémorer son courage. Son nom, Emane Ntole, alias Assang Méfa, circule aujourd’hui dans les cercles historiques et patriotiques comme celui d’un géant de la résistance gabonaise. Mais une question fondamentale demeure : où repose ce héros ? Et pourquoi n’est-il pas encore enterré en terre gabonaise ? Ce silence sur le sort de ses restes n’est plus acceptable. Il est temps d’agir pour rapatrier le corps d’un homme qui a sacrifié sa vie pour notre liberté.

Le courage d’un homme, la mémoire d’un peuple

Au début du XXe siècle, alors que le colonialisme français impose sa domination brutale sur les terres gabonaises, Emane Ntole se dresse comme un rempart face à l’humiliation, au pillage et à la violence. À la tête de milliers d’hommes, il résiste farouchement à l’administration coloniale, bloque le fleuve Ogooué, paralyse l’économie des compagnies commerciales, et offre une leçon de courage inégalée. Pendant des mois, il rend l’occupation française ingouvernable dans la région de Ndjolé.

Son intelligence stratégique, sa capacité à fédérer les siens, et son sens aigu de la justice font de lui un chef de guerre redouté et respecté. Il est l’une des premières figures de la souveraineté territoriale et économique du Gabon. Mais comme souvent dans les pages noires de l’histoire coloniale, la trahison, la répression, puis l’exil finissent par l’engloutir.

Exil, oubli et dette historique

Déporté en 1904 avec son fils à Grand-Bassam, dans l’actuelle Côte d’Ivoire, Emane Ntole y meurt en 1914, loin de sa terre natale, sans sépulture reconnue, sans cérémonie digne de son rang, et sans que la République gabonaise n’ait à ce jour pris les dispositions pour rapatrier ses restes. Ce vide n’est pas seulement une omission administrative ; il est une blessure dans la conscience nationale, un abandon silencieux d’un pan fondamental de notre histoire.

Comment peut-on célébrer un héros sans lui offrir une sépulture sur la terre pour laquelle il a lutté ? Comment peut-on parler de « mémoire nationale » quand ceux qui ont résisté à l’oppression reposent encore en exil, dans l’ombre de l’oubli ?

Rapatrier Emane Ntole, un devoir de justice

Le Gabon ne peut pas se construire sur un oubli. Il est impératif que les autorités, à travers le Ministère de la Culture, le Haut Conseil des Sages Fang, et les instances diplomatiques, ouvrent un dossier de rapatriement officiel. Il existe encore des archives à fouiller, des témoignages à recueillir, des indices à suivre en Côte d’Ivoire. La mémoire de Grand-Bassam peut parler. Les tombes anonymes peuvent parler. Il ne s’agit pas simplement de retrouver des ossements : il s’agit de restaurer la dignité d’un homme et l’honneur d’un peuple.

Ce geste serait un acte fort, pédagogique, réconciliateur. Il enverrait un message clair aux jeunes générations : le Gabon reconnaît ses héros. Il ne les oublie pas. Il les honore concrètement. Il les fait revenir, non pour l’histoire seulement, mais pour l’avenir.

Pour une sépulture nationale, un devoir collectif

Ce rapatriement doit déboucher sur l’organisation de funérailles nationales à Ndjolé ou à Libreville, avec la présence de tous les corps constitués, des représentants du peuple Ekang, des historiens, des écoles, des artistes et des militaires. Une cérémonie qui serait non seulement un hommage posthume, mais aussi une leçon de patriotisme, d’identité, de courage.

Nous avons érigé un monument, oui. Mais un monument n’est qu’un symbole. L’âme d’un héros repose là où il est enterré. Or aujourd’hui, l’âme d’Emane Ntole est toujours en exil.

En Conclusion : Réparer l’oubli

Rapatrier Emane Ntole, c’est réparer une injustice historiquerestaurer la mémoire de la résistance gabonaise, et consolider notre nation sur des fondations de vérité. Ce n’est ni un luxe, ni un caprice. C’est un devoir moral, politique, culturel. Si nous voulons avancer vers un Gabon réconcilié avec son passé, capable de forger un avenir solide, il nous faut commencer par ces actes de reconnaissance.

L’histoire ne se réécrit pas, mais elle se complète. Et tant que les restes d’Emane Ntole ne sont pas de retour, notre mémoire reste incomplète.

Times Infos 

Par Nancy Nguema

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