Face aux turbulences au Sahel, la France renforce son ancrage stratégique à Djibouti

Dans un contexte marqué par une remise en question de sa présence militaire en Afrique de l’Ouest, la France se repositionne en consolidant ses relations stratégiques avec Djibouti, un partenaire clé en Afrique de l’Est. Alors que les tensions avec plusieurs pays sahéliens et une pression croissante au Sénégal limitent son déploiement, Paris mise sur un nouvel accord de défense signé en juillet 2024 pour sécuriser sa présence dans cette région géostratégique critique.

Un recul progressif dans le Sahel et en Afrique de l’Ouest

Depuis plus d’une décennie, la présence militaire française dans le Sahel, notamment à travers l’opération Barkhane, visait à contrer la menace croissante des groupes jihadistes. Cependant, les relations entre Paris et les pays sahéliens ont progressivement basculé dans l’hostilité. Les récents coups d’État au Mali, au Burkina Faso et au Niger ont scellé la fin des accords de défense, forçant les forces françaises à quitter ces territoires. Cette rupture traduit une dynamique géopolitique où l’influence française, longtemps perçue comme dominante, est désormais contestée, sur fond de sentiments anti-français grandissants et de nouvelles alliances tissées par ces États avec des acteurs comme la Russie et la Chine.

Même le Sénégal, jusqu’ici considéré comme un bastion stable de la coopération militaire franco-africaine, montre des signes de révision de ses relations avec Paris. Une pression populaire croissante et un contexte régional en mutation pourraient amener Dakar à demander des ajustements aux accords en place, compliquant davantage la présence française en Afrique de l’Ouest.

Djibouti : un îlot stratégique dans un contexte mouvant

Face à ces défis, Djibouti apparaît comme un pilier de la stratégie militaire française sur le continent. Situé au carrefour de l’Afrique et du Moyen-Orient, ce petit État de la corne de l’Afrique abrite l’une des plus importantes bases militaires françaises à l’étranger, avec environ 1 450 soldats stationnés. La proximité des routes maritimes vitales du golfe d’Aden et de la mer Rouge renforce l’importance géostratégique de ce pays dans une région où convergent les intérêts des grandes puissances mondiales.

Le nouvel accord de défense signé en juillet 2024 traduit une volonté commune de préserver cette relation stratégique, bien que les négociations aient été plus complexes qu’anticipé. Djibouti, conscient de sa position enviable, a sans doute cherché à maximiser les retombées économiques et sécuritaires de cette coopération. Dans un contexte où la Chine, les États-Unis et d’autres puissances maintiennent également des bases militaires dans le pays, la France doit désormais composer avec une concurrence accrue pour préserver son influence.

Les implications géopolitiques de ce partenariat renouvelé

La consolidation de la présence française à Djibouti revêt plusieurs enjeux majeurs. D’abord, elle permet à Paris de maintenir un point d’appui militaire crucial dans une région en proie à des tensions, notamment liées à la piraterie maritime, aux conflits au Yémen, et aux rivalités pour le contrôle des voies commerciales. Ensuite, elle offre une alternative stratégique à la réduction de ses capacités d’intervention en Afrique de l’Ouest, renforçant ainsi sa posture en Afrique et au-delà.

Cependant, ce succès reste fragile. L’opinion publique djiboutienne pourrait à terme se montrer plus critique envers la présence militaire française, comme cela a été observé dans d’autres pays africains. La France devra donc veiller à équilibrer sa stratégie en respectant les aspirations des populations locales tout en répondant aux attentes des autorités djiboutiennes, qui cherchent à diversifier leurs partenariats internationaux.

Un repositionnement stratégique pour l’avenir

Alors que son influence traditionnelle en Afrique de l’Ouest s’érode, la France semble déterminée à renforcer son ancrage dans des régions stratégiques comme la Corne de l’Afrique. Djibouti incarne désormais un modèle de coopération militaire que Paris pourrait chercher à reproduire dans d’autres zones, en s’appuyant sur des partenariats bilatéraux plutôt que sur des engagements multilatéraux perçus comme intrusifs.

Ce redéploiement marque une étape importante dans la redéfinition de la politique africaine de la France. Pourtant, il ne peut masquer les défis persistants, notamment la nécessité de répondre à une contestation croissante sur le continent et d’adapter sa stratégie aux nouvelles dynamiques géopolitiques mondiales. Djibouti, en tant que bastion stratégique, pourrait être un tremplin pour cette réinvention, mais également un test de la capacité de la France à renouveler son approche en Afrique.

Times Infos 

Par Mbak Ndèye.

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