Le Gabon s’apprête à franchir une étape déterminante de son histoire politique avec la proposition d’une nouvelle constitution soumise à référendum le 16 novembre 2024. Parmi les articles les plus discutés, l’article 43 redéfinit en profondeur les conditions d’éligibilité à la présidence de la République. Ce texte, porteur de réformes importantes, est vu par certains comme un pas vers une démocratie plus encadrée, tandis que d’autres y perçoivent une limitation inquiétante des libertés politiques. Quelle que soit l’interprétation, l’article 43 est au cœur du débat national sur l’avenir politique du pays.
Une réforme ambitieuse pour encadrer l’éligibilité
L’article 43 de la nouvelle constitution pose des critères d’éligibilité stricts pour toute personne aspirant à la magistrature suprême. Les conditions exigent que les candidats soient nés Gabonais, avec au moins un parent également né Gabonais. Ce détail peut sembler anodin, mais il limite considérablement le cercle des personnes pouvant se présenter à l’élection présidentielle. En demandant également une nationalité gabonaise exclusive, l’article exclut de fait les Gabonais ayant une double nationalité, ce qui représente une frange importante de la diaspora, souvent très active politiquement.
Cette exigence de nationalité unique pourrait refléter une volonté de recentrer la politique nationale autour de figures strictement locales. Cependant, dans un monde globalisé où les citoyens sont de plus en plus mobiles et connectés, cela risque d’être perçu comme une mesure protectionniste et un recul des droits citoyens. La diaspora gabonaise, qui contribue pourtant de manière significative à l’économie du pays à travers les envois de fonds et les investissements, se voit ici potentiellement marginalisée. Ce choix législatif, bien qu’il puisse renforcer une forme de patriotisme, pourrait affaiblir les liens entre le Gabon et sa diaspora.
Mariage et langue : Des critères aux conséquences socio-culturelles
L’article 43 impose également une autre condition inédite : être marié(e) à un(e) Gabonais(e) répondant aux mêmes critères de nationalité. Cette mesure soulève de nombreuses questions quant à l’ingérence de l’État dans la sphère privée. En insistant sur la nature du mariage, cette disposition semble vouloir encadrer les choix personnels des candidats, introduisant une dimension potentiellement discriminatoire. Qu’en est-il des candidats qui seraient célibataires ou veufs au moment de l’élection ? Et pourquoi lier la légitimité d’un candidat à l’identité nationale de son conjoint ? Ces questions alimentent un débat profond sur la pertinence d’une telle exigence dans une démocratie moderne.
De plus, l’obligation de parler au moins une langue nationale s’inscrit dans une volonté de valoriser le patrimoine culturel du pays. Pourtant, elle pourrait aussi poser problème dans un pays où le français est encore la langue de communication dominante, et où tous les citoyens ne maîtrisent pas nécessairement une langue vernaculaire. Bien que cette exigence vise à renforcer l’identité nationale, elle pourrait disqualifier des candidats issus de milieux urbains ou de la diaspora, n’ayant pas eu l’opportunité d’apprendre une langue locale.
Le spectre de l’exclusion politique
L’un des aspects les plus controversés de cet article est l’interdiction faite aux conjoints et descendants du président sortant de se porter candidats à sa succession. Cette disposition semble vouloir prévenir la constitution de dynasties politiques, un phénomène récurrent en Afrique. Elle traduit une volonté de garantir une alternance politique effective et d’éviter qu’une même famille ne s’arroge le pouvoir sur plusieurs générations. Si cette mesure répond à une préoccupation légitime en matière de gouvernance, elle pose cependant la question des droits individuels des proches du président, qui pourraient se voir exclus de la vie politique du simple fait de leur lien familial.
En interdisant également la candidature à tout citoyen ayant possédé une double nationalité dans les trois années précédant l’élection, l’article 43 instaure une forme de « quarantaine » politique pour ceux qui souhaitent renoncer à une autre citoyenneté. Cette clause peut être perçue comme un frein à l’inclusion des citoyens de la diaspora, qui souhaitent souvent s’impliquer dans les affaires de leur pays d’origine après avoir vécu à l’étranger.
Une démocratie encadrée ou entravée ?
L’article 43 ne se contente pas de fixer des critères stricts pour la candidature. Il impose également un contrôle médical rigoureux, avec l’obligation pour les candidats de jouir d’un état complet de bien-être physique et mental, certifié par un collège médical. Si cette disposition peut être justifiée par l’importance de la santé mentale et physique dans l’exercice des hautes fonctions, elle soulève néanmoins la question de l’objectivité de ces examens. Le processus d’évaluation sera-t-il à l’abri de toute influence politique ? Ce point demeure un sujet de préoccupation, surtout dans un contexte où la santé des candidats pourrait devenir un enjeu de disqualification arbitraire.
Un référendum décisif
L’article 43 de la nouvelle constitution gabonaise illustre les tensions qui existent entre la volonté de renforcer la structure démocratique du pays et la crainte de voir les libertés politiques se restreindre. Le référendum de novembre 2024 constituera un moment crucial pour le peuple gabonais, appelé à se prononcer sur ces réformes. Brice Clotaire Oligui Nguema semble vouloir s’inscrire dans une démarche de transparence et de démocratisation, mais ces nouvelles restrictions risquent de polariser le débat public. Si certaines mesures sont louables, comme la limitation des dynasties politiques, d’autres pourraient être vues comme des barrières inutiles à la participation citoyenne. La voie vers une démocratie inclusive et stable au Gabon passe par un juste équilibre entre régulation et ouverture, une balance que les électeurs devront peser avec soin lors du scrutin.
Times Infos
Par Amir Baron.