Gabon : le référendum constitutionnel de tous les enjeux

Le 16 novembre 2024 pourrait marquer un tournant décisif pour l’histoire politique du Gabon. À l’approche de ce référendum constitutionnel, la tension est palpable. Entre appels au « oui » et appels au « non », le pays se divise sur l’adoption d’une nouvelle constitution portée par le président de transition, le général Brice Clotaire Oligui Nguema. Dans ce contexte, le débat s’intensifie, révélant des fractures au sein de la société gabonaise et une résurgence des querelles politiques que le Gabon espérait pourtant laisser derrière lui.

Un contexte politique hérité des tensions passées

Depuis l’éviction de l’ancien président Ali Bongo, le Gabon se trouve dans une situation de transition délicate. Les partisans de la nouvelle constitution, menés par les proches d’Oligui Nguema, voient ce référendum comme une occasion unique de refonder le socle de l’État, en adaptant la constitution aux réalités actuelles du pays. Cependant, les opposants, en grande partie affiliés à l’ancien régime ou à des groupes critiques vis-à-vis de l’actuel pouvoir militaire, dénoncent cette réforme comme une manœuvre pour asseoir l’autorité du gouvernement actuel.

Cette division trouve écho au sein de la population, où des voix appellent à la prudence et à la retenue. Pour les sceptiques, une modification de la constitution sans consultation et participation plus large de la société civile pourrait renforcer les mêmes travers autoritaires que ceux reprochés à l’ancien régime. Le spectre de l’abstention plane ainsi sur ce référendum : les Gabonais iront-ils massivement aux urnes, ou laisseront-ils le sort de cette réforme aux mains de ceux qui s’y intéressent de près ?

Les enjeux de la nouvelle constitution

Les partisans de la réforme insistent sur le potentiel de cette nouvelle constitution à restaurer la confiance des Gabonais dans leurs institutions. Selon eux, cette constitution proposerait des réformes cruciales, telles que la limitation des mandats, la redéfinition des pouvoirs du président et une plus grande transparence des institutions. Pour l’équipe d’Oligui Nguema, il ne s’agit pas seulement d’un simple changement législatif, mais d’une refonte nécessaire pour éviter les abus de pouvoir et promouvoir une gouvernance plus inclusive.

En revanche, les opposants soulignent que l’absence d’un débat public plus approfondi avant le référendum pourrait signifier une légitimation des changements sans réelle prise en compte de l’opinion populaire. Pour eux, cette précipitation ressemble davantage à une stratégie pour sécuriser le pouvoir en place. Ce contexte laisse planer des doutes sur la réelle volonté du gouvernement de mettre en œuvre une démocratie transparente et respectueuse de la diversité politique du pays.

Le rôle des acteurs politiques : entre mobilisation et appel au boycott

La campagne autour du référendum a exacerbé les tensions entre les camps. D’un côté, les partisans de l’actuel pouvoir, soutenus par plusieurs associations de la société civile, multiplient les efforts pour encourager la participation et garantir le succès du « oui ». Des campagnes de sensibilisation sont organisées dans tout le pays pour convaincre les Gabonais que cette constitution est une chance de changement et de modernisation.

À l’opposé, les figures de l’ancien régime, ainsi que certains opposants farouches au régime militaire, prônent un rejet catégorique de la réforme ou un boycott du référendum. Leur position est que cette démarche légitimera un pouvoir qu’ils considèrent comme non démocratique. Certains estiment que ce référendum n’est qu’un prétexte pour affirmer l’autorité d’Oligui Nguema avant les élections présidentielles, législatives et municipales à venir.

Le dilemme de la participation : un taux d’abstention historique ?

Au-delà du débat autour des choix de vote, le taux de participation au référendum sera un indicateur crucial. Un faible taux de participation affaiblirait la légitimité de la réforme, et illustrerait un désintérêt ou une méfiance profonde des Gabonais envers leurs institutions. Dans un tel scénario, même une victoire écrasante du « oui » ne garantirait pas une adhésion populaire durable à la nouvelle constitution. En revanche, une mobilisation massive serait perçue comme un signal fort, montrant un engagement des citoyens pour leur avenir politique et institutionnel.

Ce dilemme entre participation et abstention est amplifié par les voix discordantes des différentes forces en présence. En effet, certains appellent les Gabonais à exercer leur droit de vote comme un acte de patriotisme, tandis que d’autres les invitent à s’abstenir pour contester l’intégrité du processus en cours. Ce choix risque de poser un défi complexe, tant pour le gouvernement que pour l’ensemble de la société gabonaise.

Vers une nouvelle ère ou une nouvelle division ?

Le référendum du 16 novembre cristallise un moment décisif pour le Gabon. L’issue de cette consultation ne se limitera pas à l’adoption ou au rejet d’un texte constitutionnel ; elle définira également le climat politique des années à venir. En cas de succès du « oui », le pouvoir actuel pourra revendiquer un mandat populaire pour ses réformes et ainsi préparer l’organisation des futures élections. Un rejet, en revanche, ouvrirait la voie à de nouvelles luttes politiques et à une remise en question du régime en place.

Au-delà du résultat, ce référendum interroge sur l’avenir de la démocratie gabonaise. Entre ceux qui voient en la nouvelle constitution un espoir de renouvellement et ceux qui redoutent un recul démocratique, le Gabon s’apprête à écrire une nouvelle page de son histoire. Dans ce contexte de recomposition politique, seule une implication active et éclairée des citoyens permettra de façonner un avenir véritablement inclusif et démocratique pour le pays. L’issue de ce référendum reste donc une affaire à suivre de près, et son déroulement sera déterminant pour la crédibilité et la stabilité du Gabon.

Times Infos

Par Amir Baron.

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *