Depuis son accession à la tête de l’État gabonais, le président de la transition, Brice Clotaire Oligui Nguema, a promis de rompre avec les pratiques qui ont terni la gouvernance nationale pendant des décennies. En pointant du doigt des institutions stratégiques telles que La Poste SA, Gab’Oil, la CNAMGS, ou encore l’ARTF, le chef de l’État cherche à mettre un terme aux détournements de fonds publics et à instaurer une nouvelle ère de responsabilité. Mais cette lutte, bien qu’ambitieuse, est confrontée à des obstacles structurels et culturels qui menacent d’en limiter l’efficacité.
Un diagnostic clair, mais des racines profondes
Les récents scandales qui ont éclaboussé des institutions phares montrent que la corruption au Gabon n’est pas un phénomène isolé, mais bien systémique. Sous le régime des Bongo, les détournements de fonds et les pratiques de clientélisme étaient devenus des rouages tacites du fonctionnement étatique. Aujourd’hui, les révélations sur les malversations au sein de structures comme l’ARTF — dont les responsables sont toujours détenus par la Direction Générale des Recherches (DGR) — confirment que ces pratiques sont profondément ancrées.
Cependant, si le remplacement des dirigeants impliqués constitue un premier pas nécessaire, il ne suffit pas à lui seul pour garantir une réelle transformation. Le défi pour Oligui Nguema réside dans sa capacité à éradiquer non seulement les individus corrompus, mais aussi les mécanismes institutionnels qui permettent et encouragent de tels comportements.
Des remplacements qui suscitent des interrogations
Le limogeage des anciens responsables et la nomination de nouvelles figures à la tête des entités incriminées suscitent autant d’espoir que de scepticisme. Certes, l’intention de renouveler les cadres dirigeants témoigne d’une volonté de changement, mais la crédibilité des remplaçants est mise en doute. Qui sont ces nouvelles figures ? Ont-elles l’intégrité et la compétence nécessaires pour restaurer la confiance des citoyens dans des institutions longtemps discréditées ?
Sans des critères rigoureux de sélection, ces nominations risquent de reproduire les erreurs du passé. Par ailleurs, sans une surveillance accrue et indépendante, les nouvelles équipes pourraient elles aussi succomber à des pratiques corruptives. La lutte contre la corruption ne saurait se limiter à une rotation des élites ; elle nécessite une réforme en profondeur des institutions et des mentalités.
Une transition confrontée à des défis systémiques
Pour Brice Clotaire Oligui Nguema, le véritable défi réside dans l’instauration d’un système de gouvernance transparent et résilient. Cela implique la mise en place d’organes de contrôle indépendants capables d’auditer régulièrement les finances publiques. Ces mesures devront être accompagnées d’un renforcement de l’appareil judiciaire afin d’assurer que les responsables des détournements soient traduits en justice dans le respect des principes de transparence et d’équité.
En outre, la culture de la corruption, profondément enracinée dans le tissu social, exige une transformation culturelle à long terme. Il ne s’agit pas seulement de sanctionner, mais aussi d’éduquer et de sensibiliser. Cela passe par la promotion d’une éthique de responsabilité au sein de l’administration et par la mobilisation des citoyens pour qu’ils deviennent les gardiens de l’intégrité publique.
Une volonté politique mise à l’épreuve
Si les actions entreprises par le président de la transition traduisent une volonté politique de redresser le pays, leur efficacité dépendra de leur mise en œuvre sur le long terme. Les réformes ne doivent pas s’essouffler face aux résistances internes ou aux pressions politiques. Par ailleurs, il faudra veiller à ce que la lutte contre la corruption ne devienne pas un outil de règlement de comptes politiques, mais reste une démarche impartiale et inclusive.
En définitive, la question qui se pose est celle de la durabilité de ces efforts. Brice Clotaire Oligui Nguema parviendra-t-il à briser les cycles de corruption qui ont gangrené le Gabon pendant des décennies ? Sa transition marquera-t-elle une véritable rupture ou s’inscrira-t-elle dans la continuité des pratiques qu’elle prétend combattre ? Pour l’instant, l’avenir reste incertain, mais les attentes des Gabonais sont claires : ils veulent un État qui serve leurs intérêts, et non ceux d’une élite prédatrice.
Times Infos
Par Nancy Nguema.