Libreville, 2 mai 2025 – À l’occasion de la célébration de la Journée internationale du travail, le Cercle des Patrons de la Presse Privée en Ligne (CPPPL) a rompu le silence ce 1er mai à Libreville pour alerter l’opinion publique sur une affaire de plus en plus embarrassante qui éclabousse le ministère gabonais de la Communication et des Médias : la gestion trouble de la subvention de 500 millions de francs CFA destinée à la presse privée gabonaise pour l’année 2024.
Une commission sous influence et des chiffres qui ne collent pas
C’est à travers une déclaration ferme et documentée que le président du CPPPL, Thierry Mebale Ekouaghe, a levé le voile sur ce qu’il qualifie de « mascarade institutionnalisée ». Selon les conclusions de la commission chargée d’examiner les candidatures à la subvention, seuls 42 médias en ligne sur 62 dossiers examinés et 27 titres de presse écrite sur 41 ont été déclarés éligibles. Un total de 69 médias bénéficiaires donc. Pourtant, le ministère a publié un chiffre officiel de 79 bénéficiaires. D’où viennent les dix dossiers supplémentaires ? À ce jour, aucune explication formelle n’a été apportée.
Cet écart soulève de sérieuses interrogations sur le sérieux des procédures, et pose la question d’une possible falsification des résultats pour favoriser certains organes au détriment d’autres, selon des critères purement politiques ou clientélistes. Cette dérive est d’autant plus préoccupante que le CPPPL, membre actif de la commission, affirme n’avoir été associé à aucune validation finale des chiffres avancés par le ministère dont l’actuel Ministre Laurence Ndong.
Des observateurs de façade et des institutions marginalisées
Autre fait troublant : bien que des institutions comme l’Organisation Internationale de la Francophonie (OIF), l’UNESCO et la Primature aient été conviées comme observateurs, leur rôle s’est révélé purement symbolique. Non seulement elles n’ont pas participé à la répartition des fonds, mais elles ont aussi décliné les perdiems proposés par la commission, signe d’un malaise ou d’un désaccord éthique profond. En d’autres termes, ces garants de bonne gouvernance ont été réduits à de simples figurants dans un processus pourtant censé reposer sur la transparence.
Une répartition financière incohérente et suspecte
Le cœur du scandale réside dans l’énorme flottement budgétaire observé autour des montants engagés. Officiellement, la subvention annuelle allouée à la presse comme l’avait promis le Chef de l’État gabonais, Brice Clotaire Oligui Nguema, est de 500 millions de francs CFA. Or, 75 millions ont été affectés au Trésor public (soit 15 % du total) et 42,5 millions aux membres de la commission (10 %). Ce qui laisse 382,5 millions pour les médias.
Mais surprise : lors des réunions finales, le ministère annonce une enveloppe de 400,977 millions de francs CFA à répartir entre la presse écrite (250 millions) et la presse en ligne (160 millions). Ce chiffre total de 527,5 millions de francs CFA dépasse la dotation initiale, créant une confusion mathématique inexplicable. S’agit-il d’une erreur de communication ? D’un montage financier opaque ? Ou de l’apparition soudaine de fonds parallèles ? En l’absence d’un audit, la suspicion prévaut.
Des revendications claires face à un système qui se dérobe
Face à ce que le CPPPL qualifie d’« injustice budgétaire », l’organisation pose trois exigences : la publication immédiate de la liste officielle des médias bénéficiaires, la création d’une commission indépendante (composée d’un représentant du ministère, de la HAC et d’organisations de la presse), et l’audit intégral de la subvention 2024. Autant de mesures nécessaires pour restaurer la confiance dans un système miné par l’arbitraire.
De plus, le CPPPL réclame son droit à la présidence rotative du Comité d’organisation de la Journée mondiale de la liberté de la presse, dénonçant une marginalisation systémique des acteurs du numérique dans la gouvernance du secteur.
Une presse privée en quête de justice et de reconnaissance
L’affaire de la subvention 2024 est révélatrice d’un problème structurel profond dans la gestion du secteur médiatique gabonais. Alors que les médias privés luttent pour survivre dans un écosystème économique fragile, l’opacité dans l’attribution des aides publiques compromet gravement leur indépendance, leur crédibilité, et par ricochet, leur rôle dans la démocratie.
Le CPPPL, en écho aux frustrations de nombreux acteurs du secteur, appelle à une mobilisation collective et à une refonte éthique des mécanismes de soutien à la presse. « Nous avons besoin d’un système fondé sur le mérite, non sur l’allégeance », a martelé Thierry Mebale Ekouaghe. « C’est ainsi que nous pourrons bâtir une presse forte, libre, et digne de la confiance du peuple. »
Times Infos
Par Nancy Nguema.