Gabon : une stratégie audacieuse pour sortir du piège de la dette

Face à un endettement préoccupant et un contexte économique mondial incertain, le Gabon s’engage dans une série de réformes financières et stratégiques pour retrouver une marge de manœuvre budgétaire. Loin d’être un simple ajustement comptable, ces mesures traduisent une volonté affirmée du pays de rompre avec une gestion traditionnelle de la dette et d’amorcer un redressement économique durable.

Une dette sous pression, un besoin urgent d’oxygène

Avec une dette publique avoisinant les 70 % du PIB, le Gabon fait face à un défi de taille. L’accumulation des engagements financiers, notamment via les Eurobonds et les emprunts bilatéraux, a réduit sa capacité à investir dans des secteurs productifs. La crise post-Covid-19 et la volatilité des prix du pétrole ont exacerbé cette vulnérabilité, mettant en lumière la nécessité d’une refonte de la gestion budgétaire.

En novembre 2024, le gouvernement a pris une initiative majeure en procédant au rachat anticipé de la moitié de son Eurobond de 2015, soit environ 200 milliards de FCFA. Cette opération vise à prolonger l’échéance des remboursements tout en réduisant la pression immédiate sur les finances publiques. En favorisant des arrangements avec des banques locales comme Attijariwafa Bank et Ecobank, le Gabon cherche également à minimiser son exposition aux fluctuations du dollar et à sécuriser des taux d’intérêt plus avantageux.

Le retour des partenaires internationaux : un signal fort

L’un des éléments clés de cette stratégie repose sur le rétablissement de la confiance des institutions financières internationales. En décembre 2023, la Banque mondiale a repris sa coopération avec le Gabon après une période de gel des décaissements. Ce retour marque une reconnaissance des efforts de redressement entrepris par le pays et ouvre la voie à des financements essentiels pour des secteurs stratégiques tels que la santé, l’éducation et les infrastructures.

L’appui des institutions de Bretton Woods est un levier crucial pour renforcer la crédibilité du Gabon sur les marchés financiers. Il permet non seulement de bénéficier de prêts à des conditions plus favorables, mais aussi de rassurer d’éventuels investisseurs sur la stabilité du pays. Cette dynamique est essentielle pour attirer des capitaux et diversifier l’économie, un objectif que le gouvernement cherche à atteindre dans son Plan national de développement (PND) 2024-2026.

Lever des fonds pour financer la relance

Dans cette optique, le Gabon prévoit de lever 977,5 milliards de FCFA sur le marché des titres publics en 2025. Cet emprunt massif vise à financer 293 projets structurants inscrits dans le PND, couvrant des domaines variés tels que l’énergie, les infrastructures et la modernisation administrative. Cette approche repose sur une stratégie de « dette productive », où l’endettement sert à générer des revenus futurs plutôt qu’à financer des dépenses courantes.

Cependant, cette ambition soulève des interrogations. La capacité du Gabon à gérer efficacement ces nouveaux financements dépendra de plusieurs facteurs : la transparence dans l’allocation des fonds, l’efficacité des projets mis en œuvre et la capacité du pays à stimuler la croissance économique pour honorer ses engagements financiers. Un endettement supplémentaire mal maîtrisé pourrait, au contraire, aggraver la situation et compromettre la stabilité budgétaire à long terme.

Vers une transformation structurelle ?

Si ces initiatives constituent des avancées notables, elles ne suffisent pas à elles seules à garantir un redressement durable. Pour sortir véritablement du piège de la dette, le Gabon doit engager des réformes structurelles profondes. Diversifier son économie au-delà du pétrole, renforcer la gouvernance financière et optimiser la gestion des ressources publiques sont autant de leviers indispensables pour assurer une trajectoire de croissance soutenable.

Le succès de cette stratégie dépendra également de la volonté politique et de l’adhésion des acteurs économiques et sociaux. La transparence dans la gestion des fonds, la lutte contre la corruption et une meilleure inclusion des populations dans le processus de développement seront déterminants pour bâtir une économie plus résiliente et souveraine.

Le Gabon joue une carte décisive. Sa capacité à transformer ces réformes en une véritable relance économique conditionnera non seulement son avenir financier, mais aussi son positionnement en tant qu’économie émergente en Afrique centrale.

Times Infos 

Par Amir Baron.

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