Mali – CEDEAO : Une rupture historique aux conséquences incertaines

Le 15 janvier 2025, le gouvernement malien a officiellement annoncé son retrait de la Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO), marquant une fracture inédite dans l’histoire de cette organisation régionale. Cette décision, perçue comme un acte d’affirmation de souveraineté nationale, soulève cependant des interrogations sur les répercussions politiques, économiques et sécuritaires pour le Mali et l’Afrique de l’Ouest.

Un divorce annoncé sur fond de tensions croissantes

Depuis le coup d’État militaire d’août 2020, suivi d’un second en mai 2021, les relations entre le Mali et la CEDEAO se sont progressivement dégradées. Les sanctions économiques et diplomatiques imposées par l’organisation pour forcer un retour rapide à l’ordre constitutionnel ont été perçues à Bamako comme une ingérence insupportable dans les affaires internes du pays. Le discours souverainiste du gouvernement de transition, mené par Assimi Goïta, a trouvé un écho favorable dans une population exaspérée par des décennies d’instabilité et d’interventions extérieures jugées inefficaces.

Ce retrait est donc l’aboutissement d’une série de décisions visant à rompre avec les mécanismes multilatéraux perçus comme contraignants. Le Mali avait déjà quitté le G5 Sahel en 2022, et ce dernier acte illustre une volonté claire de tracer une nouvelle trajectoire indépendante.

Les défis économiques d’un isolement régional

Le retrait de la CEDEAO place le Mali dans une position économique précaire. La CEDEAO constitue un cadre crucial pour l’intégration économique et les échanges commerciaux entre les 15 États membres. La fermeture des frontières terrestres, déjà expérimentée lors des sanctions, avait asphyxié l’économie malienne, fortement dépendante des importations de produits de base et du transit régional.

Avec cette décision, le Mali risque de se priver des mécanismes de financement et d’investissement collectifs, essentiels pour des projets d’infrastructures et de développement. À court terme, le pays devra multiplier les accords bilatéraux pour compenser son exclusion des initiatives économiques régionales. Cependant, l’absence de mécanismes de résolution des conflits commerciaux pourrait dissuader des partenaires étrangers et accroître l’incertitude économique.

Une coopération sécuritaire en péril

L’impact sécuritaire de cette rupture est tout aussi préoccupant. La CEDEAO joue un rôle clé dans la lutte contre le terrorisme au Sahel, un fléau qui continue de déstabiliser la région. Les forces maliennes, bien que renforcées par une coopération accrue avec la Russie et le groupe Wagner, pourraient se retrouver isolées dans leurs efforts pour sécuriser leurs frontières poreuses.

Le retrait pourrait également compliquer les efforts conjoints avec les pays voisins, comme le Niger et le Burkina Faso, qui font face à des défis similaires. La coordination régionale, bien qu’imparfaite, reste indispensable face à des menaces transfrontalières. L’absence d’une stratégie concertée pourrait aggraver l’instabilité et renforcer les groupes armés qui prospèrent sur les divisions.

Une rupture qui interpelle la région

Le retrait du Mali de la CEDEAO soulève des questions plus larges sur l’avenir de l’intégration régionale en Afrique de l’Ouest. Cette décision met en lumière les limites de la CEDEAO, souvent critiquée pour son incapacité à répondre efficacement aux crises politiques et sécuritaires. Elle reflète également un ressentiment croissant envers les organisations multilatérales, perçues comme trop alignées sur les intérêts des puissances occidentales et déconnectées des réalités locales.

Cependant, cette stratégie de repli risque de créer un précédent dangereux. D’autres États confrontés à des sanctions ou des pressions similaires pourraient être tentés de suivre l’exemple malien, affaiblissant davantage les institutions régionales. La CEDEAO devra donc repenser son approche pour éviter de perdre sa crédibilité et son influence dans une région en pleine mutation.

Le pari risqué d’une souveraineté absolue

Le retrait du Mali de la CEDEAO est un acte audacieux qui illustre la volonté de Bamako de reprendre le contrôle de son destin. Toutefois, ce choix comporte des risques majeurs. L’isolement économique, la fragmentation sécuritaire et l’érosion de la coopération régionale pourraient fragiliser le pays à long terme.

En rompant avec la CEDEAO, le Mali ouvre une nouvelle page de son histoire, mais la trajectoire reste incertaine. Le succès de cette démarche dépendra de la capacité du gouvernement à renforcer ses institutions, diversifier ses partenariats, et maintenir un équilibre entre souveraineté nationale et interdépendance régionale. Un défi titanesque qui pourrait redessiner l’avenir de l’Afrique de l’Ouest.

Times Infos 

Par Cédric Baloch.

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