La République démocratique du Congo (RDC) traverse une période critique. Alors que l’est du pays est en proie à une escalade de violence avec la montée en puissance des rebelles du M23, le président Félix Tshisekedi tente de répondre par un appel à l’union nationale. Une annonce qui, derrière ses apparences de consensus, révèle en réalité un paysage politique profondément divisé et une stratégie présidentielle contestée.
Une union nationale sous pression
Le 22 février 2025, Félix Tshisekedi a annoncé la formation imminente d’un gouvernement d’union nationale, une initiative censée rassembler la classe politique autour d’un objectif commun : faire face aux menaces sécuritaires qui pèsent sur le pays. Cette annonce intervient dans un contexte d’urgence, marqué par la prise de contrôle de plusieurs localités stratégiques par les rebelles du M23, soutenus par le Rwanda, et la fragilité persistante des institutions congolaises.
Mais cette union nationale est-elle réellement possible ? L’opposition, principale cible de cette ouverture, reste sceptique. Plusieurs figures politiques, comme Martin Fayulu et Moïse Katumbi, dénoncent une tentative déguisée de consolidation du pouvoir plutôt qu’un réel effort de dialogue. De plus, certains observateurs voient dans cette initiative un aveu d’échec : après un mandat où les tensions n’ont cessé de croître, Tshisekedi n’a d’autre choix que de tendre la main à ceux qu’il a combattus politiquement.
Une classe politique fracturée et méfiante
L’un des principaux obstacles à cette union nationale reste l’état actuel de la scène politique congolaise. Depuis son arrivée au pouvoir en 2019, Félix Tshisekedi a multiplié les alliances de circonstance, notamment avec l’ancien président Joseph Kabila, avant de rompre brutalement avec lui pour construire l’Union sacrée, une coalition hétéroclite où les intérêts personnels ont souvent pris le pas sur le bien commun.
Aujourd’hui, cette Union sacrée semble plus divisée que jamais, tiraillée entre les ambitions personnelles et les dissensions internes. Si certains acteurs politiques pourraient être tentés de rejoindre un gouvernement d’union nationale, c’est moins par conviction que par opportunisme. Ce jeu d’alliances et de trahisons constantes ne facilite en rien la mise en place d’un véritable consensus politique, d’autant plus que l’opposition considère encore Tshisekedi comme un président illégitime, issu d’une élection contestée en 2018.
Un pari risqué pour Tshisekedi
Derrière cette initiative, il y a aussi un enjeu stratégique clair pour le président congolais : il s’agit de renforcer son pouvoir à un moment où il est fragilisé sur plusieurs fronts. En appelant à l’union nationale, Tshisekedi cherche à diviser l’opposition, à neutraliser ses adversaires politiques et à se positionner comme le seul leader capable de garantir la stabilité du pays.
Cependant, cette stratégie pourrait bien se retourner contre lui. Si l’opposition refuse de jouer le jeu et que l’Union sacrée continue de se fissurer, Tshisekedi risque de se retrouver isolé, avec un gouvernement incapable de faire face aux crises actuelles. Pire encore, si cette union nationale se transforme en une alliance artificielle dictée par des calculs politiques, elle pourrait saper davantage la confiance du peuple congolais, déjà éprouvé par des décennies d’instabilité et de promesses non tenues.
Une crise qui dépasse le cadre politique
Au-delà des querelles politiciennes, la RDC fait face à une crise existentielle. La question de la souveraineté nationale, mise à mal par les ingérences étrangères, reste au cœur des préoccupations. Le conflit avec le M23, qui s’inscrit dans une dynamique régionale complexe impliquant le Rwanda, l’Ouganda et d’autres acteurs internationaux, ne se réglera pas par des déclarations d’intention ou des changements de gouvernement.
Ce dont la RDC a besoin, ce n’est pas seulement d’un gouvernement d’union nationale sur le papier, mais d’une vision politique forte, capable de restaurer l’autorité de l’État, de réformer l’armée et de répondre aux besoins pressants de la population. Or, en l’état actuel des choses, l’initiative de Tshisekedi semble plus être un coup politique qu’une véritable solution aux problèmes structurels du pays.
Vers une impasse ou un nouveau départ ?
L’avenir de cette union nationale dépendra de la capacité du président Tshisekedi à convaincre les sceptiques et à dépasser les clivages traditionnels. Pour l’instant, les signaux envoyés par l’opposition ne laissent que peu d’espoir à une réelle adhésion. Dans un pays où les alliances sont souvent éphémères et les intérêts divergents, cette initiative pourrait bien être une tentative de stabilisation à court terme, sans réel impact sur le long terme.
Félix Tshisekedi joue donc une carte déterminante pour la suite de son mandat. Réussira-t-il à transformer cet appel en un véritable projet collectif ou s’enfoncera-t-il dans une impasse politique ? À l’heure actuelle, l’union nationale semble plus être un vœu pieux qu’une réalité tangible.
Times Infos
Par Cédric Baloch.