Kinshasa, mai 2025 – Après plusieurs années de retrait relatif, l’ancien président congolais Joseph Kabila sort progressivement de sa réserve. Face à un Félix Tshisekedi bien décidé à consolider son pouvoir et à effacer les dernières traces de l’influence de son prédécesseur, Kabila opte désormais pour la confrontation. La République Démocratique du Congo (RDC) entre dans une nouvelle phase politique, tendue et incertaine, où la cohabitation prudente cède la place à une guerre d’influence ouverte.
Une cohabitation de façade brisée
Lors de la passation historique de 2019, Félix Tshisekedi avait pris les rênes du pouvoir grâce à un compromis inédit avec le camp Kabila, dominant les institutions à travers le Front Commun pour le Congo (FCC). Cette alliance tacite, perçue par beaucoup comme une transition sous tutelle, avait permis à Kabila de continuer à tirer les ficelles dans l’ombre tout en préservant ses intérêts politiques et économiques.
Mais au fil des années, Tshisekedi a patiemment consolidé son autorité. En 2021, il réussit à former l’Union Sacrée, une nouvelle majorité parlementaire qui marginalise progressivement le FCC. Cette victoire institutionnelle, couplée à des nominations stratégiques à la tête de l’armée, de la Cour constitutionnelle et de la CENI, a entamé le pouvoir de nuisance de Kabila. L’ancien président, autrefois intouchable, devient alors vulnérable. Aujourd’hui, il riposte.
Kabila mobilise ses réseaux : l’heure de la contre-offensive
Si Joseph Kabila ne s’est pas encore exprimé publiquement, ses actions en coulisse se multiplient. Des sources internes affirment qu’il a intensifié les consultations avec ses alliés politiques, notamment dans les provinces du Katanga et du Maniema, ses bastions traditionnels. L’objectif serait clair : préparer une reconquête du pouvoir, directe ou indirecte.
Des figures du FCC sont désormais plus virulentes, dénonçant « la dérive dictatoriale » de Tshisekedi et « l’instrumentalisation de la justice à des fins politiques« . Plusieurs anciens ministres kabilistes font l’objet d’enquêtes judiciaires pour détournement de fonds, une situation que le camp Kabila interprète comme une épuration ciblée destinée à écarter toute opposition crédible.
Tshisekedi face au dilemme de l’autorité et de la démocratie
Félix Tshisekedi, réélu en 2023, cherche à affirmer une gouvernance plus indépendante et plus efficace, dans un contexte économique et sécuritaire difficile. Son programme de réformes, centré sur la transparence, l’investissement et la lutte contre la corruption, bute toutefois sur des résistances multiples, tant à l’intérieur de l’administration qu’au sein de la société politique.
L’affrontement avec Kabila risque de ralentir ces réformes, de polariser davantage le débat national et de provoquer des remous dans les institutions. L’ombre de la crise politique plane désormais sur la présidence Tshisekedi, et le pays pourrait se retrouver paralysé à l’approche des élections locales et provinciales prévues en 2026.
Une démocratie congolaise à l’épreuve du feu
Au-delà des ambitions personnelles et des stratégies d’influence, c’est l’avenir démocratique de la RDC qui est en jeu. Le pays, encore marqué par des décennies de dictature, de conflits armés et de gestion autoritaire, vit une période de fragilité politique. Les institutions sont jeunes, les contre-pouvoirs encore limités, et la société civile souvent marginalisée dans le débat.
Dans ce contexte, la confrontation entre les deux figures majeures de la scène congolaise pourrait faire basculer la RDC dans l’instabilité, à moins qu’elle ne soit encadrée par des mécanismes démocratiques robustes et par une pression soutenue de la communauté internationale pour éviter l’escalade.
Entre vengeance politique et enjeu national
Joseph Kabila ne veut pas disparaître de l’histoire politique congolaise. Félix Tshisekedi, de son côté, entend marquer son second mandat d’un sceau d’indépendance et de rupture avec le passé. Entre ces deux ambitions, c’est tout un pays qui risque de devenir le théâtre d’une bataille de titans. La RDC est donc à la croisée des chemins : s’enraciner dans la démocratie ou replonger dans les luttes intestines de pouvoir.
Par Patrick Kindé
Correspondant international Times Infos.