RDC : Le crépuscule d’un règne – Joseph Kabila face à la justice pour crimes graves

Kinshasa, mai 2025 – Dans un tournant historique pour la République démocratique du Congo, le Sénat a voté, jeudi 22 mai, la levée de l’immunité parlementaire de l’ancien président Joseph Kabila, ouvrant ainsi la voie à des poursuites judiciaires pour des accusations d’une extrême gravité. L’ex-chef de l’État, au pouvoir de 2001 à 2019, fait désormais face à des charges de trahison, participation à un mouvement insurrectionnel, crimes de guerre et crimes contre l’humanité. Une décision inédite qui pourrait redéfinir les équilibres politiques et institutionnels en RDC.

Une décision sans précédent dans l’histoire congolaise

C’est par 88 voix contre 5 que le Sénat congolais, après de longs débats et sur recommandation unanime d’une commission spéciale, a approuvé la levée de l’immunité de Joseph Kabila, sénateur à vie depuis la fin de son mandat présidentiel. Cette initiative émane du parquet militaire, qui accuse l’ancien président d’avoir soutenu activement la rébellion du M23, un groupe armé actif dans l’est du pays, responsable de multiples exactions contre les civils. L’État congolais l’accuse d’avoir trahi la nation et d’avoir compromis l’intégrité territoriale du pays, en lien présumé avec le Rwanda.

L’ombre du M23 et les cicatrices de l’Est

Les soupçons autour de l’implication de Kabila dans la rébellion du M23 ne sont pas nouveaux. Mais jamais auparavant la justice n’avait osé franchir le seuil de l’immunité. Les enquêtes menées par l’auditorat militaire pointent des communications, des financements et une logistique qui auraient permis au M23 de renforcer ses positions dans le Nord-Kivu. Dans cette région meurtrie par deux décennies de conflits, les révélations font l’effet d’une onde de choc. Des associations de victimes ont salué le courage du Sénat, espérant que ce procès sera le début d’un véritable processus de vérité et de réconciliation.

Une riposte politique virulente

Depuis l’étranger où il réside depuis fin 2023, Joseph Kabila a réagi dans un communiqué cinglant, dénonçant une “dérive autoritaire” de l’actuel président Félix Tshisekedi et une “instrumentalisation de la justice à des fins politiques”. Il qualifie le Parlement de “chambre d’enregistrement aux ordres”, affirmant que “la vérité ne se vote pas, elle s’impose”. L’ancien président conserve une base politique importante à travers son parti, le PPRD, dont les activités ont récemment été suspendues par le gouvernement. Certains de ses alliés parlent d’un “règlement de comptes post-pouvoir”, alors que d’autres appellent à une résistance démocratique.

Un précédent juridique lourd de sens

La levée de l’immunité de Joseph Kabila soulève également des questions de droit. Plusieurs juristes estiment que, pour juger un ancien chef d’État, une majorité des deux tiers de l’ensemble du Parlement était requise. Or, seul le Sénat s’est prononcé, en considérant que les faits reprochés se rapportent à sa fonction actuelle de sénateur à vie, et non à ses actes en tant que président. Ce flou juridique pourrait alimenter une bataille procédurale devant les juridictions suprêmes du pays, voire devant des instances internationales si les partisans de Kabila saisissent la Cour africaine des droits de l’homme.

Le signal d’un changement profond ?

Quelles que soient les motivations derrière cette décision, une chose est certaine : jamais la RDC n’avait vu l’un de ses anciens présidents poursuivi pour des crimes aussi graves. Ce geste symbolique est perçu par certains analystes comme une tentative du pouvoir en place d’asseoir l’autorité de l’État et de briser l’impunité des élites. Pour d’autres, c’est une manœuvre politique dans un contexte de recomposition post-électorale, où les ambitions présidentielles de 2028 commencent déjà à se dessiner.

Vers un procès historique ?

Le chemin judiciaire qui s’ouvre s’annonce long et complexe. Si Joseph Kabila ne se présente pas de lui-même, il pourrait être jugé par contumace. Un procès de cette envergure serait sans précédent en RDC, et pourrait marquer un tournant dans la lutte contre l’impunité des dirigeants africains. Pour la société civile congolaise, il est crucial que ce moment ne soit pas utilisé comme un outil de vengeance, mais qu’il serve la vérité, la justice et la mémoire des victimes.

Conclusion :
Le crépuscule politique de Joseph Kabila pourrait bien devenir l’aube d’un nouveau chapitre judiciaire pour la RDC. Dans un pays longtemps dominé par des figures intouchables, ce procès, s’il a lieu, portera la promesse d’une République où nul n’est au-dessus de la loi.

Times Infos

Par David Kindé

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