Le samedi 12 octobre 2024 marque une date qui résonne avec une intensité particulière au Gabon. Le Parti Démocratique Gabonais (PDG), anciennement au pouvoir sous Ali Bongo Ondimba, fait sa rentrée politique dans un contexte incertain et lourd de questions. Cette réapparition publique, après un an de silence imposé par le coup d’État militaire du 30 août 2023, suscite à la fois stupeur et inquiétude parmi la population gabonaise. Alors que les nouveaux dirigeants militaires, regroupés sous le Comité pour la Transition et la Restauration des Institutions (CTRI), sont salués pour avoir mis fin à des décennies de gouvernance contestée, la résurgence du PDG semble troubler l’opinion publique, et pas seulement.
Une rentrée politique Qui intrigue
La rentrée politique du PDG n’aurait probablement pas fait autant de bruit si elle ne survenait pas dans un climat de transition politique aussi tendu. En août 2023, le coup d’État avait balayé l’ancien régime, apportant avec lui l’espoir d’une ère nouvelle. Ali Bongo, qui a régné sur le pays depuis 2009, a été écarté du pouvoir, une décision saluée par une large partie de la population fatiguée de ce qu’elle considérait comme un régime oligarchique, corrompu et en décalage avec les aspirations du peuple.
Pour beaucoup, le PDG semblait être relégué au passé. Pourtant, contre toute attente, il refait surface avec cette rentrée politique, marquée par des discours enflammés et un engouement visible parmi les membres restants de cette formation vieille de plusieurs décennies. Ce retour inattendu du PDG se fait en l’absence de son ancien président, Ali Bongo, toujours en retrait depuis sa chute, mais avec une énergie qui laisse penser que le parti n’a pas dit son dernier mot. Cela soulève une question clé : quelle est la place du PDG dans le nouveau Gabon, post-coup d’État ?
Une inquiétude croissante parmi la population
Cette rentrée politique du PDG n’a pas manqué de faire réagir. Dans les rues de Libreville, le sentiment général oscille entre méfiance et incompréhension. « Pourquoi les autorités de la transition ont-elles permis une telle manifestation de force d’un parti qui, il y a à peine un an, était rejeté par la majorité ? » s’interroge un citoyen. La question est d’autant plus pressante que des interdictions informelles semblaient planer sur la tenue de cet événement, alimentant les rumeurs de négociations discrètes entre les militaires au pouvoir et l’ancien régime.
Le retour du PDG intervient également dans un contexte de réforme nationale. Le Dialogue National Inclusif, tenu quelques mois plus tôt à Angondjé, avait permis à diverses forces politiques et sociales de redéfinir l’avenir du pays. Or, la présence du PDG dans cette nouvelle dynamique politique semble troubler cette ambition de renouveau. Les observateurs craignent que cette résurgence ne soit qu’un stratagème pour préserver certains intérêts de l’ancien régime au sein de l’administration actuelle, où d’anciens membres du PDG occupent encore des postes clés.
Une force politique encore redoutable ?
Malgré les polémiques, l’événement du 12 octobre a révélé que le PDG reste une force politique non négligeable. Les scènes de foule, les acclamations et les discours vibrants ont montré qu’une partie de la population, bien que minoritaire, continue de soutenir cette formation. Mais cela suffit-il à garantir un avenir au PDG dans un Gabon où les aspirations au changement sont plus fortes que jamais ?
Pour certains analystes, cette démonstration de force pourrait être une simple manœuvre de survie politique. Le PDG, conscient de l’hostilité d’une grande partie de la population, tente peut-être de se repositionner comme un acteur incontournable de la transition. Toutefois, la question reste posée : ce retour est-il une tentative de réhabilitation, ou le signe que des éléments de l’ancien régime cherchent à influencer subtilement la transition actuelle ?
Quelle stratégie pour le CTRI ?
Le président de la Transition, Brice Clotaire Oligui Nguema, se trouve désormais au centre de cette équation complexe. Ayant joué un rôle clé dans la chute d’Ali Bongo, il est perçu par beaucoup comme l’architecte d’une nouvelle ère. Cependant, sa décision de permettre la tenue de cette rentrée politique du PDG soulève des interrogations quant à ses intentions réelles. Est-il en train de jouer sur tous les tableaux pour maintenir un équilibre fragile, ou y a-t-il une alliance tacite avec certains membres de l’ancien régime pour garantir une transition sans heurts ?
« C’est un chef avisé, il sait où il met les pieds », affirme un étudiant gabonais, témoignant anonymement. Cette déclaration reflète bien l’ambiguïté autour des motivations du CTRI. Tout en maintenant une posture de rupture avec l’ancien régime, les autorités de la transition semblent prêtes à tolérer certaines initiatives du passé, notamment celles venant du PDG. Reste à voir si cette stratégie portera ses fruits à long terme ou si elle érodera la confiance que le peuple a placée dans ce régime transitoire.
L’avenir incertain du PDG
Alors que le Gabon est en pleine recomposition politique, la question de l’avenir du PDG reste ouverte. Ce parti peut-il réellement retrouver sa place dans un paysage politique où le désir de changement est palpable ? Sa résurgence pourrait être perçue comme une menace pour les nouvelles aspirations du peuple, ou, à l’inverse, comme une preuve de sa capacité à s’adapter aux circonstances les plus difficiles.
Une chose est certaine : cette rentrée politique, riche en symboles et en émotions, ne laisse personne indifférent. Elle marque un tournant pour le PDG, mais aussi pour le Gabon, qui continue de chercher sa voie entre passé et avenir, entre continuité et rupture. Le pari est risqué, tant pour le PDG que pour les autorités de la transition, mais il déterminera sans aucun doute la configuration politique des mois à venir.
Times Infos
Par Nancy Nguema.