Le Gabon traverse une période tumultueuse marquée par l’implication de membres influents du gouvernement de transition dans un scandale financier de grande envergure. Alors que le régime militaire, en place depuis la chute d’Ali Bongo, avait promis une gestion rigoureuse des affaires publiques, de récents événements dévoilent une réalité bien plus trouble. L’ancien Directeur Général de la Société d’Énergie et d’Eau du Gabon (SEEG), Joël Lehmann Sandoungout, a été au cœur de révélations qui menacent de ternir l’image de l’actuelle administration. Nous rapporte notre confrère du média en ligne gabonais depeche241 et bien d’autres sur cette nébuleuse affaire.
La tentative de fuite de Sandoungout et son arrestation
Le 26 septembre 2024, Joël Lehmann Sandoungout est intercepté à l’aéroport international Léon Mba de Libreville alors qu’il tente de quitter le territoire. Placé en garde à vue, il est immédiatement interrogé par la Direction Générale des Recherches (DGR) dans le cadre d’une enquête portant sur sa gestion de la SEEG, une entreprise qui a connu une accumulation de défaillances dans la fourniture d’électricité et d’eau, particulièrement dans la région du Grand Libreville. Cette entreprise publique était déjà sous administration provisoire, après une série de dysfonctionnements qui avaient exaspéré la population et conduit à des coupures d’électricité à répétition.
Lors de son interrogatoire, Sandoungout révèle des informations accablantes, accusant trois ministres du gouvernement de transition d’avoir joué un rôle déterminant dans un contrat jugé douteux avec la société turque Karpowership.
Un contrat aux allures douteuses
Le cœur de l’affaire repose sur la signature d’un contrat entre le Gabon et l’entreprise Karpowership, spécialisée dans la vente et la location de centrales électriques flottantes. Ce contrat, signé dans des circonstances floues, portait sur la location d’une centrale destinée à fournir 150 MW supplémentaires pour tenter de pallier les pénuries chroniques d’électricité dans le Grand Libreville. Cependant, le montant astronomique du contrat, estimé à 12 ou 13 milliards de FCFA par mois, a rapidement attiré l’attention des autorités et du public.
Sandoungout a affirmé qu’il aurait été poussé à signer cet accord sous la pression de trois figures influentes du gouvernement : Jeannot Kalima, ministre de l’Énergie, Mays Mouissi, ministre de l’Économie, et Charles Mba, ministre du Budget. Selon ses déclarations, ces ministres auraient orchestré les négociations avec Karpowership lors d’un voyage en Turquie, financé par les Turcs eux-mêmes. Les autorités présidentielles n’auraient pas été informées des détails clés du contrat avant qu’il ne soit finalisé, ce qui suscite de sérieux doutes sur la transparence de l’opération.
Un scandale qui ébranle la transition
L’implication de ces hauts responsables dans un contrat aussi controversé est un coup dur pour l’actuel gouvernement de transition. Ce dernier avait promis de réformer en profondeur les pratiques de gouvernance du pays après le départ d’Ali Bongo, en particulier en ce qui concerne la gestion des ressources publiques. Or, les révélations de Sandoungout, si elles sont confirmées, mettent en lumière des pratiques bien éloignées des idéaux de transparence et d’éthique que le régime avait annoncée.
Cette affaire rappelle également les défis de la SEEG, une entreprise publique paralysée par des problèmes structurels depuis plusieurs années. Les coupures d’électricité récurrentes dans la capitale ont attisé la colère des populations, et les solutions proposées jusqu’à présent, comme la location d’une centrale flottante, ne semblent pas avoir permis de redresser la situation. Les autorités de transition, sous pression pour trouver des réponses rapides, auraient peut-être été tentées de conclure des accords à la hâte, sans une véritable réflexion sur leur viabilité à long terme.
Vers une enquête approfondie ?
L’administration provisoire de la SEEG, instaurée par les autorités de transition, a permis de mettre à jour des pratiques jugées frauduleuses au sein de cette entreprise. Le contrat avec Karpowership n’est qu’un exemple parmi plusieurs autres accords douteux passés avec des partenaires internationaux. Le président de la transition aurait ordonné un audit rigoureux de l’ensemble de la gestion de la SEEG, et les conclusions pourraient provoquer un véritable séisme au sein de l’appareil d’État.
D’autres enquêtes devraient suivre pour faire la lumière sur les allégations portées contre les ministres Kalima, Mouissi, et Mba. Ces derniers n’ont pour l’instant fait aucune déclaration publique pour se défendre, mais la pression médiatique et populaire ne cesse de croître. Si les accusations sont confirmées, cela pourrait entraîner non seulement leur destitution, mais également des poursuites judiciaires.
Conclusion
Ce scandale financier éclabousse non seulement les ministres accusés, mais remet en question l’intégrité de l’ensemble du gouvernement de transition. Alors que le Gabon espérait tourner la page des pratiques douteuses sous le régime d’Ali Bongo, cette affaire montre que le chemin vers la transparence et la bonne gouvernance est encore semé d’embûches. Les Gabonais, déjà exaspérés par les coupures d’électricité et les dysfonctionnements de la SEEG, attendent désormais des explications claires et des actions concrètes pour assainir la gestion des affaires publiques.
Times Infos
Par Nancy Nguema.