Senelec au Congo : Un contrat d’affermage sous tension, entre opportunité et contestation

Le récent contrat d’affermage signé entre la Société nationale d’électricité du Sénégal (Senelec) et la République du Congo, visant à confier la distribution et la commercialisation de l’électricité à l’opérateur sénégalais, suscite un vif débat. Présenté comme une solution pour redresser un secteur en crise, cet accord est cependant loin de faire l’unanimité. Entre espoir d’une meilleure gestion et inquiétudes légitimes des travailleurs congolais, la controverse enfle, mettant en lumière les défis d’une coopération énergétique sous haute tension.

Un contrat aux ambitions affichées

Le 13 février 2025, le gouvernement congolais a officialisé l’affermage de la distribution électrique à la Senelec pour une durée de dix ans. L’objectif affiché est clair : remédier aux défaillances chroniques d’Énergie Électrique du Congo (E2C), l’opérateur national, marqué par des coupures récurrentes, des dettes abyssales et une gestion inefficace. En confiant cette mission à la Senelec, réputée pour ses performances au Sénégal, Brazzaville espère moderniser son réseau électrique, améliorer la qualité du service et stabiliser un secteur stratégique pour le développement du pays.

Sur le papier, cette collaboration peut sembler pertinente. La Senelec, forte de son expérience en gestion et en distribution d’électricité, a su redresser son propre secteur énergétique après des décennies de crise. Le modèle sénégalais, basé sur une meilleure gouvernance et une optimisation des ressources, pourrait servir de référence pour le Congo.

Une contestation syndicale virulente

Mais cette perspective optimiste ne convainc pas tout le monde. Dès l’annonce de l’accord, l’intersyndical de l’E2C a exprimé un rejet catégorique de ce partenariat. Lors d’une assemblée générale tenue le 21 février, les travailleurs ont dénoncé une décision unilatérale du gouvernement congolais, prise sans concertation avec les employés de l’E2C et les acteurs clés du secteur.

Selon les syndicalistes, l’expérience de la Senelec en matière d’affermage reste incertaine et ne garantit pas une amélioration significative du service. Ils pointent également le risque d’une privatisation déguisée, qui pourrait aboutir à une augmentation des tarifs et à une détérioration des conditions de travail pour les employés de l’E2C. Pour eux, confier un service aussi stratégique à une entreprise étrangère, sans un audit préalable des capacités locales, est une erreur aux conséquences potentiellement lourdes.

Un gouvernement sous pression

Face à la montée des contestations, le Premier ministre congolais, Anatole Collinet Makosso, a tenté de calmer les esprits en déclarant que le gouvernement resterait à l’écoute des préoccupations de la population. Il a même laissé entendre que le contrat pourrait être remis en question si l’opposition sociale devenait trop forte.

Cette déclaration, loin d’apaiser la crise, souligne plutôt le manque de consensus autour de cette réforme énergétique. La question se pose : pourquoi avoir pris une décision d’une telle ampleur sans en débattre ouvertement avec les parties prenantes ? Cette approche précipitée alimente les soupçons d’un accord conclu sous pression, peut-être dicté par des intérêts politiques ou financiers externes.

Entre opportunité et précipitation : quel avenir pour l’électricité au Congo ?

L’arrivée de la Senelec au Congo soulève des interrogations cruciales sur la gouvernance du secteur énergétique. Si la nécessité d’une réforme est indiscutable, la méthode employée par le gouvernement congolais laisse perplexe. Une transition aussi importante mérite une transparence accrue, un dialogue social renforcé et une évaluation rigoureuse des impacts à long terme.

Le véritable enjeu dépasse la simple gestion de l’électricité : il s’agit de garantir un accès équitable et durable à l’énergie, tout en préservant les intérêts des travailleurs congolais. La réussite ou l’échec de ce partenariat dépendra donc de la capacité des autorités à instaurer un climat de confiance et à démontrer que cet affermage sert réellement l’intérêt public.

À l’heure où le Congo cherche à moderniser son économie, cette affaire est un test décisif de sa capacité à mener des réformes structurelles sans céder aux tensions sociales. La lumière viendra-t-elle de la Senelec, ou cet accord restera-t-il un énième chantier abandonné sous la pression populaire ? L’avenir nous le dira.

Times Infos 

Par Cédric Beloch.

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