Souveraineté culturelle au Mali : la réappropriation des noms publics

Dans un élan de souveraineté culturelle et politique, le Mali s’engage dans une refonte majeure de sa mémoire urbaine en renommant plus de 25 lieux publics à Bamako. Ce geste, qui résonne comme un rejet explicite de l’héritage colonial français, marque une volonté affirmée d’inscrire l’histoire malienne au cœur de l’espace public. Mais cette démarche soulève des interrogations sur ses motivations profondes, ses implications et les dynamiques géopolitiques sous-jacentes.

Une mémoire revisitée : des noms français aux figures africaines

Depuis l’indépendance en 1960, de nombreux pays africains se sont interrogés sur la pertinence des noms hérités de l’époque coloniale. Cependant, le Mali, sous l’impulsion de ses autorités actuelles, a accéléré ce processus en renommant des lieux stratégiques de la capitale. Ainsi, la Place du Sommet Afrique-France, symbole des relations franco-africaines, a été rebaptisée Place de l’Alliance des États Sahéliens (AES), un clin d’œil à la coopération régionale émergente.

De même, la Rue Jean Brière, autrefois dédiée à un administrateur colonial, porte désormais le nom de Banzoumana Sissoko, légende de la musique traditionnelle malienne. Ces changements reflètent un désir de célébrer des figures et des symboles enracinés dans la culture et l’histoire locales, souvent éclipsés par des récits imposés de l’extérieur.

Une rupture politique et idéologique avec la France

Cette initiative s’inscrit dans un contexte de tensions croissantes entre le Mali et la France. Depuis le retrait de l’opération Barkhane et l’arrivée de partenaires comme la Russie, Bamako affiche une volonté de redéfinir ses alliances et de réduire l’influence française sur son territoire. La décolonisation des noms est donc à la fois un acte symbolique et une déclaration politique.

Cependant, cette stratégie soulève des critiques. Certains estiment qu’elle pourrait être perçue comme une manœuvre populiste visant à détourner l’attention des défis socio-économiques auxquels le pays est confronté. D’autres craignent que cette rupture brutale n’altère les relations diplomatiques avec un partenaire historique, malgré les tensions actuelles.

Une démarche identitaire qui inspire

Au-delà des critiques, le geste malien résonne auprès de nombreux pays africains qui réfléchissent à leur propre héritage colonial. En redonnant une place centrale aux héros nationaux et aux symboles africains, le Mali invite ses citoyens à revisiter leur histoire et à se l’approprier. Ce mouvement, loin d’être isolé, s’inscrit dans une dynamique plus large de réaffirmation des identités africaines face à des influences étrangères persistantes.

Une symbolique forte, mais des défis à relever

La réappropriation des noms de lieux publics est un acte puissant, mais elle ne doit pas masquer les défis pressants du Mali : lutte contre l’insécurité, développement économique et renforcement des institutions. Si la réécriture de l’histoire urbaine peut renforcer la fierté nationale, elle doit s’accompagner de politiques concrètes pour répondre aux besoins du peuple malien.

En conclusion, le Mali trace un chemin audacieux vers une souveraineté totale, où l’effacement des traces coloniales devient une pierre angulaire de son identité nationale. Reste à savoir si cette démarche s’inscrira dans une vision durable et inclusive, ou si elle sera perçue comme un simple instrument de rupture politique.

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Par Moussa Kanté.

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