Subvention à la presse privée : Pourquoi le Trésor public bloque-t-il les fonds promis ?

Alors que la campagne électorale présidentielle s’apprête à débuter le 29 mars 2025, la presse privée gabonaise se retrouve dans une impasse financière. Malgré une promesse de subvention de 500 millions de francs CFA, annoncée par le président de la Transition, Brice Clotaire Oligui Nguema, et une transmission du dossier au Trésor public depuis le 7 mars, aucun paiement n’a encore été effectué. Derrière ce retard se cache un dysfonctionnement administratif révélateur des contradictions au sein de l’appareil d’État.

Un ministère qui a fait son travail, un Trésor qui traîne les pieds

Lors d’une rencontre le 25 mars entre les organisations de la presse privée et la ministre de la Communication et des Médias, Laurence Ndong, une clarification majeure a été apportée : la subvention n’est pas bloquée par le ministère, mais par le Trésor public. Selon la ministre, son administration a rempli toutes les étapes nécessaires : mise en place de la commission d’attribution, étude des dossiers, répartition des quotas en fonction des médias éligibles et transmission des documents au Trésor avec une demande d’ordre de paiement. Pourtant, trois semaines plus tard, aucun décaissement n’a été effectué.

Ce retard administratif pose une question essentielle : le Trésor public serait-il en train de saboter volontairement l’engagement du gouvernement envers la presse privée ? Si la réponse est négative, alors pourquoi cette lenteur inexpliquée ?

Un contexte politique qui alimente les suspicions

L’élément le plus troublant dans cette affaire est son timing. Le gel de la subvention intervient à seulement quelques jours du lancement de la campagne électorale présidentielle. Or, une presse financièrement asphyxiée est une presse affaiblie, incapable d’assurer une couverture médiatique indépendante et efficace de ce moment démocratique crucial.

Certains observateurs n’hésitent pas à y voir une manœuvre de certains cadres de l’administration pour garder la presse privée sous pression. Si tel est le cas, cela signifierait que des « mains invisibles » au sein du Trésor public cherchent à instrumentaliser la subvention pour des intérêts autres que ceux du service public.

Une gouvernance financière opaque et des justifications insuffisantes

Le président Oligui Nguema, dans une tentative de rassurer les patrons de presse en décembre 2024, avait déclaré que les fonds n’avaient pas été détournés et que le retard s’expliquait par d’autres priorités budgétaires. Il avait évoqué notamment le paiement des rappels de solde des fonctionnaires et le financement du référendum constitutionnel.

Cependant, cette justification ne convainc pas tout le monde. Pourquoi la subvention à la presse, qui avait été budgétisée et annoncée officiellement, n’a-t-elle pas été traitée comme une priorité au même titre que d’autres dépenses publiques ? Par ailleurs, la ministre de la Communication elle-même a dénoncé une « réserve obligatoire » appliquée systématiquement par le Trésor sur les dépenses de l’État, sans expliquer pourquoi cette pratique frappe particulièrement la presse privée à un moment aussi critique.

Oligui Nguema face à une responsabilité politique

Le président de la Transition se retrouve donc face à une responsabilité directe. L’intervention de son gouvernement, et en particulier du Trésor public, est désormais attendue avec impatience par les acteurs de la presse privée. Va-t-il laisser cette situation s’éterniser et risquer une détérioration du climat médiatique en pleine période électorale ?

Cette affaire illustre, au-delà de la seule question de la subvention à la presse, un problème plus large de gouvernance financière au Gabon. Tant que l’opacité régnera sur la gestion des fonds publics, et que certaines administrations pourront impunément freiner des engagements budgétaires validés par le gouvernement, la confiance entre l’État et les acteurs économiques, y compris la presse, restera fragile.

En attendant, les médias privés sont pris en otage par cette inertie administrative. Mais si cette situation persiste, il n’est pas exclu que la presse, au lieu d’être muselée par ces blocages, en fasse un sujet central de débat politique. Ce qui, en pleine campagne présidentielle, pourrait s’avérer bien plus coûteux pour le pouvoir en place que le simple versement de cette subvention.

Times Infos 

Par Nancy Nguema.

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