Thiaroye 1944 : Emmanuel Macron reconnaît un massacre colonial oublié au Sénégal

Le massacre de Thiaroye, épisode tragique de l’histoire coloniale française, a récemment fait l’objet d’une reconnaissance officielle par Emmanuel Macron. Lors d’une déclaration relayée par le président sénégalais Bassirou Diomaye Faye à l’AFP, le chef de l’État français a qualifié de « massacre » les événements survenus en décembre 1944, lorsque des tirailleurs sénégalais furent violemment réprimés par les forces coloniales françaises. Cette reconnaissance, bien que tardive, marque une étape clé dans la réconciliation mémorielle entre la France et l’Afrique.

Un événement tragique longtemps occulté

Le 1er décembre 1944, dans le camp militaire de Thiaroye, près de Dakar, des centaines de tirailleurs sénégalais, ces soldats africains ayant combattu pour la France pendant la Seconde Guerre mondiale, furent la cible d’une répression sanglante. Ces hommes, démobilisés et récemment rapatriés, revendiquaient des conditions de vie décentes et le paiement de leurs soldes. Face à leurs protestations, l’armée française réagit avec une brutalité extrême, ouvrant le feu sur eux. Le bilan officiel évoque 35 morts, mais des témoignages et des historiens estiment que le nombre de victimes pourrait être bien supérieur.

Ce massacre a été effacé des récits officiels pendant des décennies, reléguant les tirailleurs sénégalais, pourtant héros de guerre, au rang de figures oubliées. Leur courage sur les champs de bataille en Europe n’a pas suffi à leur garantir le respect et la dignité à leur retour dans leurs terres natales.

La reconnaissance de Macron : un pas symbolique

En qualifiant ces événements de « massacre », Emmanuel Macron s’inscrit dans une démarche de reconnaissance des crimes commis durant la période coloniale. Cette déclaration, annoncée dans un contexte où les relations entre la France et ses anciennes colonies africaines sont souvent marquées par des tensions, vise à réhabiliter la mémoire des victimes et à adresser un signal d’apaisement.

Cette reconnaissance fait suite à d’autres gestes symboliques de la part de Macron, notamment sur la restitution d’artefacts culturels africains ou la reconnaissance des crimes en Algérie. Cependant, pour beaucoup, ce geste reste insuffisant face à l’ampleur des injustices subies par les anciens combattants africains et leurs descendants.

Des revendications qui persistent

La reconnaissance du massacre de Thiaroye soulève également des questions sur les réparations. Les descendants des tirailleurs sénégalais et les défenseurs des droits humains réclament depuis longtemps des compensations financières pour les familles des victimes, ainsi qu’une révision des archives officielles. Ils demandent aussi l’inscription de cet épisode dans les manuels scolaires, aussi bien en France qu’en Afrique, afin que les générations futures puissent comprendre la réalité des relations coloniales.

En outre, la situation des anciens tirailleurs sénégalais encore vivants, souvent dans la précarité, reste un sujet brûlant. Malgré une revalorisation tardive de leurs pensions, beaucoup vivent dans des conditions difficiles, tandis que la reconnaissance publique de leurs sacrifices est encore insuffisante.

Un devoir de mémoire partagé

La reconnaissance par Macron du massacre de Thiaroye intervient dans un contexte où les relations franco-africaines évoluent rapidement. Alors que la jeunesse africaine revendique de plus en plus une réappropriation de son histoire, ce geste pourrait contribuer à renforcer une dynamique de dialogue entre les deux continents. Cependant, il est essentiel que cette reconnaissance soit suivie d’actions concrètes, qu’il s’agisse de réparations, de commémorations officielles ou d’un accès complet aux archives.

Thiaroye 1944 ne doit pas seulement être une page sombre rappelée à l’occasion d’une déclaration officielle. Elle doit devenir un symbole de justice et de mémoire, où les voix des victimes et des opprimés trouvent enfin une place dans les récits nationaux et internationaux. La véritable réconciliation, après tout, passe par la vérité et l’action.

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Par Mbok Kane.

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