La montée en puissance de l’Afrique dans la production de graphite bouleverse l’équilibre mondial d’un marché stratégique. Longtemps dominée par la Chine, cette ressource, essentielle à la transition énergétique, devient le théâtre d’une compétition féroce entre grandes puissances économiques. Alors que la production africaine pourrait dépasser celle de la Chine d’ici 2026, la stratégie chinoise pour maintenir son hégémonie soulève des enjeux géopolitiques et économiques majeurs.
La fin d’un monopole chinois ?
Actuellement, la Chine produit près de 80 % du graphite mondial, un contrôle quasi monopolistique qui lui confère un rôle clé dans l’approvisionnement des batteries lithium-ion, indispensables à la révolution des énergies renouvelables. Cependant, cette domination est menacée par les réserves inexploitées de l’Afrique. Des pays comme le Mozambique, Madagascar, ou encore la Tanzanie détiennent des gisements prometteurs.
L’intérêt croissant pour ces ressources africaines est lié à la demande mondiale croissante en graphite, estimée à 2,5 millions de tonnes d’ici 2026. La montée en puissance de l’Afrique représente une opportunité pour d’autres grandes puissances économiques, telles que les États-Unis et l’Union européenne, d’affaiblir leur dépendance envers la Chine. Mais ce déplacement du centre de gravité de la production mondiale n’est pas sans défis pour les pays africains eux-mêmes.
Une stratégie chinoise offensive en Afrique
Face à cette menace, la Chine redouble d’efforts pour sécuriser son accès aux ressources africaines. Les entreprises chinoises multiplient les investissements directs, acquérant des parts dans les projets miniers africains pour contrôler la production dès sa source. Cette stratégie s’accompagne d’accords bilatéraux, souvent déguisés en projets d’infrastructures ou de développement. En échange de routes, ports ou hôpitaux, Pékin obtient des concessions minières à long terme, consolidant son influence sur le continent.
Cependant, cette approche soulève des questions. Les accords entre entreprises chinoises et gouvernements africains manquent souvent de transparence. Cela alimente les critiques sur l’exploitation des ressources locales au détriment des communautés. Les infrastructures construites sous le prétexte du développement servent souvent à faciliter l’exportation des matières premières, plutôt qu’à répondre aux besoins locaux.
Le défi africain : souveraineté ou dépendance accrue ?
Si l’essor de la production de graphite en Afrique est prometteur, il met en lumière un dilemme crucial pour les nations concernées. Ces pays peuvent-ils réellement tirer profit de leurs ressources ou resteront-ils piégés dans un cycle de dépendance économique ? Le développement minier, bien qu’il génère des revenus à court terme, risque de renforcer une dynamique néocoloniale où les matières premières sont extraites sans réelle transformation locale.
Pour que ce potentiel de croissance devienne un levier de développement, les pays africains doivent adopter des politiques ambitieuses : exiger la transformation sur place du graphite pour produire des batteries ou d’autres technologies, et négocier des accords qui assurent des retombées économiques durables. Sans cela, l’exploitation minière risque d’aggraver les inégalités et de provoquer des conflits sociaux autour de la gestion des ressources naturelles.
L’Afrique, nouvel enjeu de la transition énergétique mondiale
Dans le contexte de la transition énergétique, l’Afrique est devenue un acteur central du futur marché mondial des batteries. Mais cette transition soulève une question fondamentale : qui bénéficiera réellement de cette transformation ? Les puissances mondiales, notamment la Chine, se battent pour contrôler les ressources africaines, tandis que les nations du continent luttent pour définir les termes de leur participation.
Le graphite, souvent éclipsé par des matières comme le lithium ou le cobalt, s’impose désormais comme un enjeu géopolitique de premier plan. Si l’Afrique parvient à structurer son industrie, à renforcer sa gouvernance et à imposer des règles du jeu équitable, elle pourrait non seulement briser le monopole chinois, mais aussi se positionner comme un acteur incontournable de l’économie verte mondiale.
Times Infos
Par Nancy Nguema.