Depuis des décennies, les relations entre la France et ses anciennes colonies africaines, regroupées sous le terme de Françafrique, suscitent débats et controverses. Longtemps perçue comme un réseau d’influence néocolonial, cette relation semble aujourd’hui vaciller sous les coups de boutoir des peuples et dirigeants africains, désireux de reprendre leur destin en main. Face à cette dynamique, Emmanuel Macron, président français, incarne pour beaucoup la persistance d’une stratégie perçue comme prédatrice. Mais ces bouleversements en Afrique de l’Ouest annoncent-ils une vague similaire en Afrique centrale ?
La Françafrique : une emprise aux multiples facettes
Depuis les indépendances des années 1960, la Françafrique s’est structurée autour d’accords bilatéraux garantissant à la France un accès privilégié aux ressources naturelles des pays africains francophones, en échange d’un soutien politique et militaire. Ce système, opaque et critiqué, a permis à Paris de conserver une influence stratégique, notamment par le biais de bases militaires, de sociétés multinationales (Total, Bolloré, Areva), et d’une monnaie commune, le franc CFA, perçue comme un instrument de contrôle économique.
Cependant, cette relation asymétrique a engendré des frustrations croissantes. De nombreux Africains dénoncent un partenariat inégal, où les intérêts français priment sur le développement local. Le sentiment que Paris soutient des régimes autoritaires pour préserver ses avantages économiques alimente également un ressentiment populaire.
L’Afrique de l’Ouest : la rupture avec l’ordre établi
Les événements récents en Afrique de l’Ouest illustrent une remise en question sans précédent de cette dépendance historique. Les coups d’État successifs au Mali, au Burkina Faso, et au Niger ont marqué un tournant. Ces pays, désormais dirigés par des gouvernements de transition, ont opté pour l’expulsion des forces françaises et l’abandon de partenariats militaires jugés contre-productifs.
La montée d’un discours souverainiste, soutenu par une jeunesse mobilisée, a été accompagnée par une réorientation stratégique vers d’autres puissances, notamment la Russie et la Chine. Ces décisions traduisent une volonté de diversifier les partenaires économiques et militaires, mais aussi de bâtir un modèle de développement indépendant. Pour Emmanuel Macron, ces ruptures ont été perçues comme une gifle politique, marquant une contestation ouverte du rôle traditionnel de la France en Afrique.
L’Afrique centrale : un potentiel prochain domino ?
Dans cette nouvelle ère, l’Afrique centrale semble hésiter entre maintien du statu quo et prise d’un virage similaire à celui de l’Afrique de l’Ouest. Cette région, où les liens avec la France restent étroits, pourrait pourtant suivre le chemin de ses voisins ouest-africains :
Une jeunesse impatiente de changement : Comme en Afrique de l’Ouest, les populations d’Afrique centrale expriment un ras-le-bol face à la mainmise des puissances étrangères. Les récents événements au Gabon (coup d’État en 2023) pourraient amorcer une dynamique plus large dans la région.
Une dépendance économique structurelle : La domination des entreprises françaises dans des secteurs stratégiques comme le pétrole et les infrastructures constitue un frein important. Cependant, de nouveaux acteurs économiques (Russie, Turquie, Chine) offrent des alternatives crédibles.
Des régimes encore conservateurs : Contrairement à l’Afrique de l’Ouest, où des gouvernements militaires souverainistes ont pris le pouvoir, les dirigeants d’Afrique centrale restent majoritairement liés à la France, ce qui pourrait retarder une rupture immédiate.
Macron, figure controversée d’une France en crise
Le président français, Emmanuel Macron, s’est positionné comme un acteur de « rupture » avec la Françafrique traditionnelle, promettant un partenariat renouvelé fondé sur le respect mutuel. Pourtant, ses actions et ses déclarations ont souvent été perçues comme contradictoires ou paternalistes. Les critiques contre son gouvernement accusent une continuité dans l’exploitation des ressources africaines, sans réelle considération pour les aspirations locales.
La fermeture de bases militaires, imposée par les gouvernements ouest-africains, est un coup dur pour Macron, qui voit son influence dans la région s’effriter rapidement. Cette perte de terrain alimente les accusations de mépris, voire de racisme, dans ses prises de position face à une Afrique qui ne cesse de réclamer son indépendance.
Vers une Afrique affranchie : les défis à venir
L’Afrique, qu’elle soit de l’Ouest ou centrale, se trouve à un carrefour historique. La quête d’émancipation des peuples et des gouvernements nécessite des institutions fortes, une solidarité régionale, et une diversification des partenariats économiques et diplomatiques.
Cependant, le chemin vers une véritable souveraineté reste semé d’embûches : la dépendance économique à l’égard des puissances étrangères, les divisions internes et les défis sécuritaires pourraient ralentir ce processus. Pour autant, l’aspiration des populations africaines à une liberté réelle et à un avenir prospère ne faiblit pas.
Un avenir post-coloniale en construction
Alors que l’Afrique de l’Ouest montre la voie, l’Afrique centrale pourrait suivre ce mouvement, marquant ainsi la fin d’un ordre établi depuis plus de soixante ans. La France, confrontée à une remise en cause de son rôle historique, devra repenser ses relations avec ses partenaires africains si elle souhaite rester un acteur crédible dans un monde en mutation. L’avenir, toutefois, appartient aux peuples africains, dont la quête de souveraineté pourrait redéfinir les relations internationales pour des décennies à venir.
Times Infos
Par Amir Baron.