Afrique-France : le grand désamour et les enjeux d’une transition inévitable

Depuis quelques années, un vent de contestation souffle sur l’Afrique francophone, marqué par une volonté croissante de rompre avec les reliquats de la colonisation française. Cette dynamique, particulièrement visible en Afrique de l’Ouest, questionne non seulement l’avenir des relations entre la France et ses anciennes colonies, mais aussi le rôle que ces pays veulent jouer sur la scène internationale. Dans ce contexte, il est légitime de s’interroger : que deviendra la France sans l’Afrique, et quelle sera la place de l’Afrique dans un monde multipolaire ?

L’émergence d’un sentiment d’émancipation

Les récentes ruptures diplomatiques et militaires entre la France et plusieurs pays d’Afrique de l’Ouest, comme le Mali, le Burkina Faso et le Niger, illustrent une volonté claire de ces États de se libérer d’accords perçus comme néocoloniaux. Ces nations reprochent à la France une ingérence persistante dans leurs affaires intérieures, que ce soit à travers le maintien de bases militaires ou le contrôle économique exercé par le franc CFA.

En Afrique Centrale, la situation est plus nuancée. Si des pays comme le Gabon ou le Tchad maintiennent des relations relativement stables avec Paris, l’influence croissante de la Chine et de la Russie dans cette région pourrait encourager une reconfiguration des alliances. Ces puissances émergentes offrent une alternative stratégique aux modèles économiques et sécuritaires traditionnels proposés par la France.

Le rôle de la jeunesse et des réseaux sociaux

La jeunesse africaine, qui constitue la majorité de la population, joue un rôle central dans ce mouvement d’émancipation. Connectée au monde grâce aux réseaux sociaux, elle revendique une autonomie politique et économique qui reflète un rejet des structures héritées de l’époque coloniale.

Ces jeunes, souvent éduqués et conscients des dynamiques internationales, appellent à un partenariat plus équilibré avec les puissances étrangères. Ils dénoncent également l’inertie de certaines élites locales, accusées de perpétuer des accords favorables à la France au détriment des intérêts nationaux.

Les intérêts stratégiques en jeu pour la France

L’Afrique représente depuis longtemps un pilier essentiel de l’économie française. Les ressources naturelles de l’Afrique Centrale, notamment le pétrole, le gaz, et les minerais stratégiques, sont cruciales pour la France. De plus, la zone franc CFA, qui regroupe 14 pays d’Afrique, offre une stabilité monétaire qui bénéficie indirectement à l’économie française.

Toutefois, cette dépendance mutuelle est remise en question. Les pays africains, en quête de diversification économique, se tournent vers d’autres partenaires tels que la Chine, la Russie, la Turquie ou encore les États-Unis. Ce réalignement pourrait priver la France d’un accès privilégié à ces ressources et de son influence géopolitique dans la région.

Un déclin inévitable pour la France ?

Si la France venait à perdre son « pré carré » africain, les répercussions seraient profondes. En plus de l’impact économique, cela affaiblirait son rayonnement international. L’Afrique a longtemps servi de levier d’influence pour la France dans les instances internationales, comme l’ONU ou le G7. Sans cet ancrage africain, Paris pourrait voir son statut de puissance mondiale décliner face à d’autres acteurs plus dynamiques.

Pour éviter un tel scénario, la France devra repenser ses relations avec l’Afrique. Cela passe par l’abandon d’une posture paternaliste au profit d’une coopération basée sur le respect mutuel et l’intérêt réciproque.

L’Afrique : une nouvelle ère de souveraineté

De leur côté, les pays africains francophones se trouvent à un carrefour historique. En rompant avec les modèles hérités de la colonisation, ils ont l’opportunité de construire des économies plus résilientes et de renforcer leur souveraineté. Cependant, cette transition ne sera pas sans défis. Elle nécessitera une gouvernance solide, une lutte acharnée contre la corruption, et une meilleure valorisation des ressources locales.

L’Afrique pourrait également tirer parti de sa démographie dynamique pour s’imposer comme un acteur clé de l’économie mondiale. Mais pour cela, elle devra miser sur l’éducation, l’innovation et l’industrialisation, tout en veillant à ne pas reproduire de nouvelles formes de dépendance envers d’autres puissances émergentes.

Une relation à réinventer

La rupture entre la France et une partie de l’Afrique francophone symbolise une transition inévitable vers une nouvelle ère. Pour la France, cela représente un défi existentiel : celui de redéfinir sa place dans un monde multipolaire sans l’Afrique comme pilier central. Pour l’Afrique, c’est une occasion historique de prendre son destin en main et de s’affirmer sur la scène internationale.

Le futur des relations franco-africaines dépendra de la capacité des deux parties à dépasser les rancœurs du passé et à bâtir des partenariats équitables. Dans un monde en mutation, cette transition est non seulement souhaitable, mais indispensable.

Times Infos 

Par Nancy Nguema.

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