L’univers recèle de tant de mystères dont l’interprétation échappe souvent au commun des mortels. Si certains lieux font la joie des touristes, d’autres restent beaucoup plus mystérieux, voire emplis de secrets et légendes. Et si l’existence des forces occultes sur terre est bien connue de l’homme, celle de « l’île du diable », sur le fleuve Congo, en est une parfaite illustration.
Coincée dans l’affluent sud du fleuve Congo entre Brazzaville et Kinshasa, l’île du diable, dont on ignore la superficie, est située à environ 8 km en partant du centre-ville. Depuis le pont du djoué, on aperçoit cette île quasi-inaccessible par bateau ou par pirogue. Bordé de roches, avec parfois quelques paisibles bancs de sable, recouvert d’une végétation abondante, cet endroit reste mystérieux et même maléfique pour certains. Les croyances des « génies des eaux » (féminin avec la sirène ou masculin avec le crocodile) sont encore vivaces.
C’est difficile d’arpenter l’île du diable. A moins que le fleuve soit extrêmement calme, ce qui est rare autour de cette île. Sur ses côtes de rochers noirs, les vagues se fracassent avec violence et de forts courants dangereux découragent les nageurs curieux. Pour la navigation, les courants d’eau ne permettent pas d’y accoster en toute sécurité. On peut, en revanche, en faire le tour par hélicoptère et constater à quel point l’endroit donne peu envie d’y séjourner… Mais pourquoi l’appelle- t-on « île du diable » ?
Eugène Loubou, agent municipal à la retraite et habitant du quartier Mafouta (au sud-ouest de Brazzaville) depuis 1994, raconte : « En tant qu’archiviste, je me suis posé la question de savoir ce que signifie île du diable ? A qui appartient-t-elle ? En fouillant dans des archives, j’ai découvert que l’île du diable fait partie du territoire de la République du Congo, tout comme l’île Mbamou. Mais, l’endroit demeure un mystère. Les premiers habitants, anciens du village de Mafouta, nous racontaient que personne n’y va à cause de l’ampleur des cataractes entre la digue et l’île. Les interdits peuvent être bravés mais la présence d’animaux féroces constitue également un grand obstacle ».
Le lit du fleuve Congo étant très profond à cet endroit, a-t-il poursuivi, même les pêcheurs n’y sont pas parvenus à cause de la grande capacité des cataractes de part et d’autre de l’île. Les premiers pêcheurs qui ont tenté d’y accéder sont tous morts, emportés par les cataractes.
« On nous a raconté qu’à l’époque, c’est le président Marien Ngouabi qui a foulé le sol de cette île par hélicoptère. Mais il n’y est pas resté longtemps. Des témoins racontent que sa présence en cet endroit aurait précipité sa mort. Personne ne peut arriver à l’île du diable si ce n’est par hélicoptère », a-t-il ajouté. Une caractéristique qui lui vaut le surnom « d’île du diable ».
A une certaine époque, lorsque le quartier Mafouta n’était qu’une simple forêt, on voyait les animaux tels que les biches sortir de l’île du diable et traverser le fleuve lors des périodes de crue pour venir se ravitailler puis repartir. Aujourd’hui, a expliqué Eugène Loubou, « ces animaux ne font plus la navette à cause de la présence humaine ».
L’île du diable est-telle hantée ?
De nombreuses personnes sont persuadées que l’île du diable est hantée et c’est ce qui justifierait son abandon. Des témoins rapportent que personne n’est jamais revenu de cet endroit infesté de chauves-souris, d’animaux féroces et de toutes sortes de serpents venimeux malgré plusieurs tentatives. Expédition jugée trop périlleuse.
Etrangement, le commun des mortels raconte aussi que lorsqu’on y accède pour chercher du bois, il est interdit d’emporter autre chose au risque de s’égarer. En conséquence, il est recommandé d’annoncer à haute voix son choix avant d’y pénétrer. Ceux qui ont tenté de s’aventurier auraient été portés disparus jusqu’à ce jour.
Un autre phénomène étrange constaté par les habitants de ce quartier, c’est le passage très remarqué des chauves-souris tous les soirs. En effet, aux environs de 18 h, une forte colonie de grosses chauves-souris sort de l’île du diable pour rejoindre le village Goma Tsé-Tsé où elles passent la nuit. En survolant le quartier Mafouta, ces animaux laissent derrière eux un impressionnant nuage de moustiques qui envahissent des maisons, obligeant du coup les habitants à fermer momentanément les portes et fenêtres.
Selon Eugène Loubou, l’île du diable est devenue aussi le bercail des chauves-souris. Au départ, les gens hésitaient d’acheter des parcelles de terrain à Mafouta à cause de la proximité du quartier avec cette île, et surtout du phénomène des moustiques. « Lorsque les chauves-souris survolent les habitations, elles lâchent des moustiques. A ce moment, il faut prendre la précaution de fermer toutes les ouvertures des maisons. La meilleure solution était de placer les toiles moustiquaires dans des fenêtres pour les empêcher d’envahir la maison. Vers 20h, ils disparaissent dans la nature ».
L’île mystérieuse rappelle l’histoire d’une autre île au Mexique qui intrigue depuis plusieurs années. C’est dans les années 1950 que Don Julian, un paysan de la région, décide de tout quitter pour aller s’installer sur cette île. Là, il se rend compte que l’endroit semble être hanté par le fantôme d’une petite fille morte noyée dans les eaux du lac, plusieurs années auparavant. Alors, pour l’apaiser et ne pas subir de représailles surnaturelles, Don Julian décide de lui offrir une poupée. Le geste semble fonctionner et Don Julian décide finalement de commencer une collection de poupées pour apprivoiser définitivement ce fantôme.
Etonnamment, on raconte que Don Julian est mort à l’endroit précis où la jeune fille s’est noyée. Un drôle de mystère que le neveu du paysan a décidé d’exploiter et de préserver. Depuis, les touristes viennent nombreux sur cette île pour contempler cet unique rassemblement de poupées.
L’île du diable est un patrimoine de la République du Congo mais interdite d’y accéder parce que très dangereuse, selon par des témoins. Que pensent donc les autorités politiques pour cet endroit qui devrait servir de tourisme et les intérêts de survie des riverains ?
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Source : ADIAC Congo
Texte : Yvette Reine Nzaba