Le président ivoirien Alassane Ouattara a annoncé, lors de son discours de fin d’année 2024, une décision historique : le départ des troupes françaises de Côte d’Ivoire. Cette décision, présentée comme un jalon dans la modernisation des forces armées ivoiriennes, reflète à la fois des ambitions souverainistes et un changement de paradigme dans les relations franco-ivoiriennes. Toutefois, cette initiative soulève des interrogations stratégiques, tant pour la sécurité régionale que pour les équilibres diplomatiques en Afrique de l’Ouest.
La souveraineté militaire : un impératif national
Depuis plusieurs années, la Côte d’Ivoire investit massivement dans la formation et l’équipement de ses forces armées. La remise du bataillon d’infanterie de Port-Bouët, anciennement sous contrôle français, aux troupes ivoiriennes est un symbole fort de cette transformation. En affirmant sa capacité à gérer seul ses défis sécuritaires, le gouvernement Ouattara envoie un message clair : la Côte d’Ivoire est prête à assumer pleinement sa défense nationale, tout en s’émancipant de la tutelle historique française.
Cependant, ce départ marque également la fin d’une ère de coopération militaire étroite. La présence française, avec environ 600 soldats basés à Port-Bouët, était un pilier pour la sécurité intérieure et régionale, notamment face aux menaces terroristes au Sahel. La question qui se pose désormais est de savoir si les forces ivoiriennes, bien que modernisées, pourront combler ce vide stratégique.
Un choix dans un contexte géopolitique tendu
Le départ des troupes françaises s’inscrit dans une tendance plus large sur le continent africain, où plusieurs pays rejettent les vestiges des relations néocoloniales. Des exemples récents, comme au Mali et au Burkina Faso, montrent une montée en puissance des revendications souverainistes, souvent accompagnée d’un rapprochement avec d’autres partenaires internationaux, comme la Russie ou la Chine.
Toutefois, la Côte d’Ivoire se distingue par une approche plus mesurée. Alassane Ouattara, tout en affirmant son indépendance, a insisté sur la possibilité de maintenir une coopération militaire bilatérale sous d’autres formes. Cette stratégie vise à éviter une rupture brutale tout en redéfinissant les termes de la relation avec Paris. Néanmoins, ce positionnement pourrait être perçu comme une fragilité dans un contexte régional où la lutte contre le terrorisme exige une coordination accrue.
Quels risques pour la sécurité régionale ?
Le départ des troupes françaises pourrait fragiliser la stabilité de l’Afrique de l’Ouest. En effet, la Côte d’Ivoire est un acteur clé dans la lutte contre les groupes armés qui sévissent dans la région. La base de Port-Bouët jouait un rôle central dans les opérations de surveillance et de déploiement rapide. Avec ce retrait, la capacité d’intervention française pourrait être réduite, laissant un vide sécuritaire que les forces locales pourraient avoir du mal à combler.
De plus, la montée des attaques djihadistes dans le nord de la Côte d’Ivoire et dans les pays voisins met en lumière les limites des armées nationales face à une menace transnationale. Dans ce contexte, le retrait français pourrait être interprété comme un signal d’affaiblissement des alliances occidentales dans la région, ouvrant la porte à des puissances concurrentes.
Un tournant aux implications multiples
La décision du président Ouattara est indéniablement un moment charnière pour la Côte d’Ivoire et pour ses relations avec la France. Si elle traduit une volonté légitime d’autonomie, elle n’en demeure pas moins risquée. La réussite de cette transition dépendra de la capacité des forces ivoiriennes à répondre efficacement aux défis sécuritaires, mais aussi de la manière dont Abidjan saura gérer ses alliances internationales dans un contexte de recomposition géopolitique.
En somme, cette décision pourrait soit consolider la souveraineté ivoirienne, soit exposer le pays et la région à de nouvelles vulnérabilités. Seul l’avenir dira si ce pari audacieux s’avérera gagnant.
Times Infos
Par Cédric Baloch.