Presse Gabonaise : quand les critères de subvention deviennent un nouvel enjeu de justice

Dans un contexte de transition politique où le renforcement des libertés fondamentales devrait être une priorité, le secteur de la presse gabonaise est à nouveau au cœur d’un débat houleux. Les critères établis par le ministère de la Communication pour l’attribution de la subvention 2024 suscitent une levée de boucliers de la part des organisations officielles de la presse privée. Une récente rencontre avec le 4e vice-président de l’Assemblée nationale de la Transition, Geoffroy Mfoumboula Libeka Makosso, a mis en lumière des failles majeures dans le processus et a révélé des tensions profondes entre le ministère et les acteurs de la presse.

Des critères jugés injustes et irrecevables

Les organisations de presse dénoncent unanimement des critères d’éligibilité jugés inadaptés, voire discriminatoires. Parmi eux, l’exigence d’une carte de presse, un document dont la délivrance n’a jamais été assurée par le ministère, illustre une contradiction flagrante. En imposant cette condition, le ministère semble ignorer ses propres responsabilités, créant ainsi une barrière artificielle à l’accès aux subventions.

Autre point litigieux : l’exclusion des médias ayant été sanctionnés par la Haute Autorité de la Communication (HAC). Cette disposition est perçue comme une double peine injustifiée, car ces sanctions ont déjà été purgées. Cette mesure, jugée arbitraire, pourrait nuire durablement à l’écosystème médiatique en marginalisant des acteurs pourtant actifs dans l’information publique.

La demande de justificatifs fiscaux et sociaux, bien qu’ayant un fondement administratif, apparaît également hors de propos. En effet, exiger des preuves de régularité fiscale et sociale dans un secteur marqué par des défis structurels, notamment un manque de revenus stables, revient à pénaliser davantage une presse déjà fragilisée.

Un ministère hors de son rôle ?

L’attitude du ministère de la Communication pose une question fondamentale : joue-t-il encore son rôle de facilitateur pour la presse ? En s’arrogeant des prérogatives appartenant à d’autres entités, comme la CNAMGS, la CNSS ou la HAC, le ministère semble davantage œuvrer à complexifier l’accès aux subventions qu’à soutenir les médias dans un contexte économique difficile.

Cette approche témoigne d’une méconnaissance, voire d’un mépris, des réalités du terrain. Alors que la transition politique appelle à des mesures inclusives et progressistes, les critères imposés reflètent une vision bureaucratique et rigide, loin des préoccupations des journalistes et des éditeurs.

Propositions constructives : une lueur d’espoir

Face à ces dérives, les organisations de presse ne se contentent pas de critiquer : elles proposent des solutions. La création d’une commission tripartite incluant le ministère, les représentants des médias et la Présidence est une idée pragmatique qui pourrait désamorcer la crise. En impliquant toutes les parties prenantes, une telle structure garantirait une répartition plus équitable des subventions et éviterait les décisions unilatérales.

De plus, les organisations appellent à une révision urgente des critères d’attribution pour qu’ils soient adaptés aux réalités du secteur. Ces réformes incluraient la suppression des exigences irréalistes, comme la carte de presse ou les justificatifs fiscaux, au profit de critères simples et inclusifs.

Vers une liberté de la Presse menacée ?

Cette controverse soulève une problématique plus large : la liberté de la presse est-elle réellement protégée au Gabon ? En établissant des critères excluant une partie des médias, le ministère pourrait, volontairement ou non, limiter la diversité des voix dans l’espace public. Ce contrôle indirect sur les financements publics risque de renforcer l’autocensure et de fragiliser les médias critiques du pouvoir.

Pourtant, dans un pays en transition, la presse joue un rôle crucial en tant que contre-pouvoir et gardienne de la démocratie. Affaiblir ce pilier, c’est compromettre les avancées démocratiques déjà fragiles.

Une urgence politique et morale

La rencontre avec le 4e vice-président de l’Assemblée nationale de la Transition constitue une étape cruciale, mais insuffisante. Si le président de la République n’intervient pas rapidement pour arbitrer cette situation, les fonds de la subvention risquent d’être attribués selon des critères inéquitables, aggravant les tensions entre le ministère et les médias.

Il est impératif que les autorités comprennent que soutenir la presse, c’est investir dans la démocratie. Une presse libre, diversifiée et indépendante est essentielle pour le développement du Gabon. Ce combat pour des critères justes dépasse les enjeux financiers : il s’agit de garantir à tous les Gabonais un accès à une information libre et équitable.

Times Infos 

Par Amir Baron.

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