L’abrogation de la loi d’amnistie : vers une nouvelle instabilité au Sénégal ?

Depuis l’accession au pouvoir du duo Ousmane Sonko et Bassirou Diomaye Faye, le Sénégal est au centre d’une dynamique politique inédite. L’annonce de l’abrogation de la loi d’amnistie, adoptée en mars 2024 sous l’ancien président Macky Sall, a suscité un vif débat. Cette loi, censée tourner la page sur une période de violences politiques ayant endeuillé le pays, pourrait être révoquée sous prétexte de rendre justice. Mais à quel prix ?

Un outil de réconciliation contesté

Adoptée dans un contexte de tensions extrêmes, la loi d’amnistie avait pour objectif d’apaiser les tensions sociopolitiques en permettant à des figures comme Ousmane Sonko, aujourd’hui président, et d’autres opposants de recouvrer leur liberté. Elle visait également à empêcher les poursuites contre des forces de sécurité accusées de répression violente. Cependant, pour ses détracteurs, elle symbolisait un marchandage politique favorisant l’impunité au détriment des victimes.

Ousmane Sonko lui-même avait bénéficié de cette loi pour échapper à des poursuites judiciaires qui avaient entaché sa carrière politique. Aujourd’hui, devenu président, il semble vouloir effacer cet héritage controversé pour asseoir une posture d’intégrité. Mais cette démarche soulève une question fondamentale : la quête de justice ne risque-t-elle pas de rouvrir les plaies d’un passé récent ?

Justice ou instabilité politique ?

Le gouvernement Sonko-Faye affirme que l’abrogation de cette loi permettra de rétablir l’État de droit et de faire la lumière sur les violences de 2021-2024. Cependant, cette position divise. D’un côté, les défenseurs des droits humains applaudissent la volonté d’en finir avec l’impunité. De l’autre, des analystes politiques et des membres de la société civile redoutent un retour des tensions.

Rouvrir ces dossiers pourrait exacerber les divisions entre pro et anti-Sonko, ravivant des querelles politiques dans un pays qui aspire pourtant à la paix sociale. En outre, certains y voient une instrumentalisation politique, où le désir de justice pourrait servir de prétexte à une chasse aux sorcières visant les anciens collaborateurs de Macky Sall.

La réconciliation nationale en jeu

L’abrogation de la loi pose également la question de la réconciliation nationale. Le Sénégal, réputé pour sa stabilité relative en Afrique de l’Ouest, risque de compromettre cette image si les autorités ne parviennent pas à équilibrer les impératifs de justice et de paix. Les victimes des violences méritent réparation, mais cela ne devrait pas se faire au détriment de l’unité nationale.

Un acte politique risqué

Enfin, cette initiative révèle un paradoxe : un président bénéficiant des fruits de cette loi choisit de l’abroger une fois au pouvoir. Ce revirement suscite des interrogations sur la sincérité de son engagement envers la justice. Cette décision est-elle motivée par une réelle volonté de réformer ou par une stratégie politique visant à neutraliser l’opposition ?

La gestion de ce dossier délicat sera un test décisif pour le régime Sonko-Faye. Parviendra-t-il à éviter de plonger le Sénégal dans une spirale de tensions, ou cette démarche marquera-t-elle le début d’un cycle d’instabilité ?

L’histoire jugera, mais pour l’heure, le pays reste suspendu à cette décision cruciale, où justice et politique s’entremêlent dangereusement.

Times Infos 

Par Mbak Ndèye.

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