Le 17 septembre 2024, Abdelmadjid Tebboune a prêté serment à Alger pour un second mandat présidentiel, après avoir officiellement remporté la présidentielle avec 84,3 % des suffrages exprimés. Toutefois, cette réélection, loin de marquer une transition apaisée, a ravivé des critiques et des interrogations au sein de la population et de la classe politique algérienne. Le contexte électoral, marqué par une fluctuation notable du taux de participation et des suffrages exprimés, a alimenté un débat national sur la transparence et la légitimité du scrutin.
Un scrutin contesté : la fluctuation des chiffres au cœur de la polémique
La proclamation initiale des résultats donnant Tebboune vainqueur avec 95 % des voix a rapidement été révisée à 84,3 %, soulevant de vives interrogations. Cette correction importante a non seulement surpris les observateurs, mais aussi renforcé les soupçons d’irrégularités dans le processus de comptage des votes. Bien que l’Autorité nationale indépendante des élections (ANIE) ait tenté de justifier cette modification par une « erreur technique », les critiques fusent tant du côté des partis d’opposition que des acteurs de la société civile.
Pour beaucoup, cette fluctuation reflète une gestion opaque des résultats électoraux, dans un climat où la méfiance à l’égard des institutions est déjà profonde. Le faible taux de participation, encore sujet à débat, est perçu comme un indicateur du désengagement d’une large partie de la population, fatiguée par un système politique jugé immuable malgré les promesses de réforme.
Le lourd héritage du Hirak et la méfiance envers les institutions
Le mouvement de protestation du Hirak, qui a secoué l’Algérie depuis 2019, constitue un prisme essentiel pour comprendre les tensions actuelles autour de cette élection. Le Hirak, qui a mené à la démission de l’ancien président Abdelaziz Bouteflika, réclamait un changement radical dans la gouvernance algérienne, avec des revendications claires : la fin du système oligarchique, la mise en place de réformes structurelles profondes, et l’émergence de nouvelles figures politiques non associées à l’ancien régime.
Or, pour beaucoup d’Algériens, le mandat initial de Tebboune n’a pas répondu à ces aspirations. Sa réélection, dans ces circonstances controversées, est perçue par certains comme une continuité de l’ordre ancien. Bien que Tebboune ait promis, dès sa première élection, d’écouter les revendications du Hirak et d’initier des réformes institutionnelles, les résultats concrets tardent à se manifester, alimentant une frustration grandissante au sein de la population.
La cérémonie d’investiture : un symbole fragile de continuité
Le 17 septembre, Abdelmadjid Tebboune a été officiellement investi pour un second quinquennat lors d’une cérémonie sobre à Alger. Si l’événement se voulait un moment de stabilité et de continuité pour le pays, il a été terni par les contestations persistantes concernant la régularité du scrutin. Des opposants ont dénoncé une élection jouée d’avance, où la machine de l’État aurait œuvré pour maintenir un statu quo politique. Le sentiment d’exclusion, notamment au sein de la jeunesse algérienne, constitue un défi majeur que le président devra impérativement prendre en compte s’il souhaite gouverner dans un climat moins tendu.
Les défis à venir pour le second mandat
Le nouveau mandat de Tebboune s’annonce donc sous tension. En plus de devoir restaurer la confiance envers le processus démocratique, le président devra s’attaquer à de nombreux défis économiques et sociaux. L’Algérie, encore largement dépendante de la rente pétrolière, fait face à des incertitudes économiques majeures, notamment en raison de la volatilité des prix des hydrocarbures sur les marchés mondiaux. La diversification de l’économie, promise à maintes reprises, n’a pas encore produit les résultats escomptés.
Sur le plan social, les attentes sont également énormes. Le chômage, en particulier chez les jeunes, reste élevé, et la crise du logement perdure, nourrissant un sentiment de précarité chez une grande partie de la population. La gestion de ces problématiques, tout en apaisant les tensions politiques, sera cruciale pour Tebboune s’il veut asseoir une légitimité renouvelée durant ce second mandat.
Conclusion : une présidence sous le signe de l’incertitude
La prestation de serment d’Abdelmadjid Tebboune pour un second mandat s’inscrit donc dans un contexte d’incertitude et de défiance. Malgré sa réélection officielle, les critiques sur la transparence des résultats et le climat politique tendu en Algérie montrent que le chemin vers une stabilisation durable reste semé d’embûches. Le président devra non seulement s’atteler à apaiser les tensions internes mais également à initier des réformes profondes pour répondre aux aspirations de millions d’Algériens qui, pour l’heure, se sentent toujours en marge du système.
Times Infos
Par Bachir Rach.