Alors que le Gabon s’apprête à élire un nouveau président, une onde de choc judiciaire secoue le clan Bongo. Onze membres de la famille sont mis en examen à Paris. Un tournant historique.
Un revers judiciaire d’ampleur pour les Bongo
À la veille d’une élection présidentielle décisive prévue le 12 avril 2025, les projecteurs ne sont pas seulement braqués sur les urnes gabonaises, mais aussi sur les salles d’audience parisiennes. La justice française vient de refermer l’enquête sur l’affaire emblématique des « biens mal acquis » (BMA), qui vise les avoirs supposément détournés par plusieurs chefs d’État africains. Parmi les principales familles concernées : les Bongo. D’après des révélations de Jeune Afrique, onze membres de la dynastie ont été mis en examen pour blanchiment, recel de détournement de fonds publics, et corruption.
Cette nouvelle étape judiciaire ouvre la voie à un éventuel procès, une première dans cette affaire tentaculaire qui remonte à près de deux décennies. Elle survient dans un contexte politique tendu, où la transition post-Ali Bongo reste fragile. La justice française semble décidée à aller jusqu’au bout de ses investigations.
Un patrimoine colossal au cœur des accusations
Au centre de l’affaire : un patrimoine immobilier hors norme en France. Hôtels particuliers, appartements de luxe à Paris, voitures de prestige, comptes bancaires bien garnis… Le tout évalué à plusieurs dizaines de millions d’euros. Les enquêteurs soupçonnent que ces biens auraient été financés par le biais de détournements de fonds publics gabonais, opérés durant les décennies de règne d’Omar Bongo, puis d’Ali Bongo.
L’enquête, entamée après les plaintes déposées en 2007 par plusieurs ONG dont Transparency International, s’est appuyée sur un important travail de traçabilité financière, de levées de secret bancaire et d’auditions de proches du pouvoir gabonais. Les juges estiment aujourd’hui disposer d’éléments suffisamment solides pour renvoyer les mis en examen devant un tribunal correctionnel.
Une onde de choc diplomatique et morale
Cette affaire relance le débat sur les relations entre la France et ses anciennes colonies, notamment sur la responsabilité morale de l’État français dans la protection et la domiciliation de fortunes issues de régimes autoritaires. Si les autorités gabonaises actuelles n’ont pas encore officiellement réagi, plusieurs voix s’élèvent déjà dans la société civile pour réclamer la restitution de ces biens au peuple gabonais, dans un contexte de pauvreté persistante et de crises sociales.
Le procès, s’il a lieu, pourrait être l’un des plus symboliques de l’histoire judiciaire française en matière de corruption internationale. Il offrirait également une forme de reconnaissance aux nombreuses victimes invisibles de la mauvaise gouvernance : les citoyens gabonais privés d’écoles, d’hôpitaux et d’infrastructures de base.
Un tournant pour la justice africaine ?
Au-delà du Gabon, cette affaire pourrait aussi faire jurisprudence sur le continent africain. La pression monte pour que d’autres dossiers similaires soient ouverts, tant au niveau international que national. Elle pose une question cruciale : les nouvelles autorités gabonaises iront-elles jusqu’au bout de la transparence, en coopérant avec la justice française et en lançant à leur tour des enquêtes locales ?
Alors que le pays tente de reconstruire ses institutions, cette page judiciaire pourrait contribuer à tourner définitivement celle de l’impunité, et ouvrir une ère de justice, d’équité et de responsabilité.
Times Infos
Par David Barne.