Ce samedi 25 janvier 2025, le président français Emmanuel Macron s’est entretenu séparément avec Félix Tshisekedi, président de la République démocratique du Congo (RDC), et Paul Kagame, président du Rwanda. Il a exprimé sa profonde préoccupation face à la crise qui frappe le Nord-Kivu, en particulier autour de Goma, épicentre d’une situation sécuritaire et humanitaire alarmante. Macron a fermement condamné les violations de l’intégrité territoriale de la RDC, demandant la fin immédiate des hostilités menées par le M23 et le retrait des forces rwandaises du territoire congolais.
Un conflit à multiples facettes
La crise au Nord-Kivu est l’une des plus complexes du continent africain, mêlant des enjeux locaux, régionaux et internationaux. Depuis des décennies, cette région riche en ressources naturelles, mais marquée par une gouvernance fragile, est le théâtre d’affrontements entre groupes armés, dont le M23. Ce mouvement rebelle, accusé d’être soutenu par Kigali, défend officiellement les droits des populations tutsi congolaises, mais ses offensives déstabilisent gravement la région.
Le Rwanda, de son côté, justifie souvent ses interventions par la nécessité de neutraliser les FDLR (Forces Démocratiques de Libération du Rwanda), un groupe armé hostile basé en RDC. Cette justification masque néanmoins des intérêts stratégiques liés à l’exploitation des ressources minières congolaises et à la consolidation de son influence régionale.
La position française : diplomatie ou symbolisme ?
En prenant position, Emmanuel Macron cherche à s’imposer comme un acteur clé dans la résolution de ce conflit, alors que la France a souvent été critiquée pour son retrait progressif des enjeux africains, au profit de puissances comme la Chine, la Russie ou les États-Unis. En soutenant fermement la souveraineté de la RDC, Macron tente aussi de restaurer la confiance avec les autorités congolaises et de se démarquer des ambigüités passées de la France dans certains conflits africains.
Cependant, cette prise de position soulève des questions. Quels leviers la France peut-elle réellement actionner pour mettre fin à cette crise ? La pression diplomatique exercée sur Kigali et Kinshasa suffira-t-elle à obtenir des résultats concrets, ou s’agit-il simplement d’un geste symbolique pour apaiser l’opinion internationale ?
Les défis immédiats sur le terrain
- Protection des civils : La population du Nord-Kivu paie un lourd tribut aux affrontements. Déplacements massifs, violences sexuelles, et destruction des moyens de subsistance aggravent une crise humanitaire déjà catastrophique. La protection des civils, évoquée par Macron, nécessite des actions concrètes, notamment un renforcement des forces onusiennes et des ONG présentes dans la région.
- Dialogue et efforts de paix : Les processus de Nairobi et de Luanda, censés instaurer un cessez-le-feu et promouvoir une solution durable, sont au point mort. Le manque de bonne foi des parties prenantes, combiné à des intérêts divergents, complique toute tentative de médiation. Relancer un dialogue crédible exige une pression internationale accrue et une coordination régionale renforcée.
- Souveraineté congolaise : Le soutien explicite de Macron à l’intégrité territoriale de la RDC est un signal fort. Toutefois, ce soutien doit s’accompagner de mesures concrètes, comme des sanctions contre les acteurs violant le droit international ou un appui logistique accru aux forces armées congolaises.
Un fragile équilibre régional
L’intervention de Macron intervient à un moment critique. Les relations entre Kinshasa et Kigali sont au plus bas, et les tensions menacent d’embraser l’ensemble de la région des Grands Lacs. En renforçant le rôle de la communauté internationale dans ce conflit, la France pourrait encourager une résolution pacifique. Mais cette intervention reste fragile sans une implication concertée des acteurs régionaux et internationaux, tels que l’Union africaine, l’ONU, et les grandes puissances économiques.
Quelles perspectives ?
Pour transformer ses déclarations en actions, la France devra :
- Intensifier les pressions diplomatiques sur Kigali afin d’obtenir un retrait des forces rwandaises et la fin du soutien présumé au M23.
- Soutenir les efforts humanitaires pour répondre aux besoins urgents des populations déplacées.
- Faciliter un dialogue régional, en coopération avec l’Union africaine et les initiatives locales, pour rétablir la confiance entre la RDC et ses voisins.
- Renforcer les capacités congolaises, notamment dans le domaine de la sécurité et de la gouvernance, afin de consolider la souveraineté de l’État sur son territoire.
Ainsi, l’appel d’Emmanuel Macron pour la paix au Nord-Kivu constitue une opportunité pour redynamiser les efforts internationaux et régionaux. Cependant, seule une approche intégrée, combinant diplomatie, pressions ciblées et soutien humanitaire, permettra de sortir durablement de cette crise. Dans l’immédiat, l’issue dépendra de la volonté des principaux acteurs de prioriser la paix sur leurs intérêts stratégiques.
Times Infos
Par Cédric Baloch.