Alors qu’elle devait apaiser les tensions, la rencontre du 22 avril dernier entre la ministre de la Communication et des Médias, Laurence Ndong, et certains représentants de la presse privée gabonaise n’a fait qu’amplifier la crise. En cause : l’opacité persistante entourant la répartition de la subvention publique allouée aux médias pour l’année 2024.
Un rendez-vous manqué pour la transparence
Organisée dans un contexte de vives contestations, cette réunion était très attendue par les acteurs du secteur médiatique. Pour la majorité des patrons de presse présents, il s’agissait d’obtenir enfin la publication officielle de la liste des bénéficiaires et des montants exacts alloués à chaque entreprise de presse. Or, selon plusieurs témoignages recueillis à l’issue de la rencontre auprès des patrons de presse privée, aucune avancée concrète n’a été obtenue sur ce point.
« Nous pensions que cette réunion allait marquer un tournant. Finalement, elle n’a accouché que d’une souris », déplore un directeur de publication. « Nous voulions des preuves (la liste officielle des médias bénéficiaires), des chiffres (montants alloués à chaque entreprise de presse), de la transparence. Rien de tout cela n’a été présenté. »
Un climat de suspicion généralisée
La déception est d’autant plus grande que cette subvention, censée soutenir la pluralité médiatique et renforcer les capacités de la presse privée, est désormais perçue comme une source d’injustice et de division. Plusieurs médias affirment avoir été exclus sans raison valable, pendant que d’autres — connus-et parfois peu connus — auraient bénéficié de montants jugés excessifs.
Dans les coulisses, la grogne s’intensifie. Des soupçons de favoritisme, de règlements de comptes politiques ou d’instrumentalisation de la subvention agitent les rédactions. La méfiance s’installe et les réseaux sociaux deviennent un terrain d’affrontement où se mêlent dénigrements, accusations infondées, et parfois, atteintes graves à la crédibilité de la presse indépendante.
« Ce climat malsain vise à ternir l’image d’une profession déjà fragilisée », regrette un autre journaliste. « Qui tire réellement les ficelles ? À qui profite cette cacophonie orchestrée ? »
L’appel au Président Oligui Nguema comme ultime recours
Face à la crispation ambiante, de nombreux professionnels appellent désormais à l’arbitrage du Président de la Transition, Brice Clotaire Oligui Nguema. Seul son engagement personnel pourrait, selon eux, permettre de rétablir un dialogue sincère entre la tutelle technique et les acteurs de la presse privée.
« Nous avons besoin d’un geste fort, d’un acte républicain qui restaure la confiance. Le président a montré sa volonté de réformer, nous espérons qu’il interviendra pour faire toute la lumière sur cette affaire. »
Un enjeu démocratique majeur
Au-delà de la querelle administrative, ce débat pose la question fondamentale de l’indépendance de la presse au Gabon. Une subvention opaque, sans critères clairement définis, peut facilement devenir un levier de contrôle politique ou un outil de division. La crédibilité de la presse gabonaise — déjà en quête de professionnalisation et de reconnaissance — ne peut se construire sur des bases fragiles et contestées.
La balle est désormais dans le camp des autorités. La publication de la liste complète des bénéficiaires de la subvention, accompagnée des montants octroyés, s’impose comme un acte de transparence démocratique. Sans cela, la défiance risque de s’installer durablement.
Affaire à suivre…
Times Infos
Par Nancy Nguema.