Gabon : Entre espoirs de renouveau et recyclage politique, la jeunesse à l’épreuve du pouvoir sous Oligui Nguema

Libreville – À peine élu, le président Brice Clotaire Oligui Nguema se retrouve au centre d’un débat national brûlant : celui du renouvellement de la classe politique. Lors d’un échange avec ses collaborateurs au palais présidentiel, le Chef de l’État a tenu un discours à la fois direct et sans équivoque : il n’entend pas écarter systématiquement les figures de l’ancien régime, sous prétexte qu’elles seraient « trop expérimentées » ou que leurs CV « parlent pour eux ». Une position qui suscite de vives réactions, en particulier chez les jeunes Gabonais, qui attendaient un signal fort de rupture avec le passé.

Un discours de continuité qui refroidit les ardeurs de la jeunesse

En affirmant qu’aucune pression ne le ferait renoncer à collaborer avec certains dignitaires du régime Bongo, Oligui Nguema a brisé les illusions de nombreux jeunes. Ceux-ci espéraient que le changement de régime ouvrirait une nouvelle ère, où la jeunesse gabonaise prendrait enfin sa place dans la conduite des affaires publiques. Mais pour le nouveau président, les jeunes doivent d’abord « faire leurs classes » dans l’administration avant de prétendre à des fonctions de haut niveau. Ce rappel à l’ordre, bien que réaliste, sonne comme un revers pour une jeunesse qui aspirait à être actrice du renouveau.

L’ombre des échecs récents des jeunes au pouvoir

Le Chef de l’État justifie sa prudence par des exemples concrets de mauvaise gestion, causée par de jeunes figures pourtant présentées comme prometteuses. Des groupes comme les Acrombessi Boys, Blaboys, Les Collégiens, Lybane Souleymane ou encore la Young Team ont laissé derrière eux un sillage de désillusions : népotisme, clientélisme, mauvaise gouvernance, querelles internes… autant d’échecs qui entachent aujourd’hui la crédibilité de la jeunesse politique. Pour Oligui Nguema, ces dérives démontrent que l’expérience reste une valeur sûre, même si elle est héritée d’un système ancien.

Les « OliguiBoys », miroir d’un renouveau inabouti

Mais l’argumentation présidentielle ne tient pas toujours face à la réalité récente. Durant les 19 mois de transition militaire, une autre génération a émergé : les OliguiBoys. Censés incarner l’élite montante du nouveau régime, ces jeunes, très proches des militaires au pouvoir, ont eux aussi montré leurs limites. Leur gestion de la campagne présidentielle a été marquée par un manque de professionnalisme, un déficit de communication, des querelles exposées publiquement sur les réseaux sociaux, et des soupçons persistants de détournements de fonds de campagne.

Ces dérapages, loin d’être anecdotiques, ont profondément déçu une jeunesse gabonaise en quête de repères et de responsabilité. Beaucoup voient dans ces événements une reproduction des mêmes erreurs que celles reprochées à l’ancien régime.

Un climat de scepticisme face au « recyclage » politique

Au sein de l’opinion publique, la frustration est palpable. De nombreux jeunes n’hésitent plus à exprimer leur désaccord ouvertement.

« Travailler avec les caciques n’est pas un problème, mais certains visages doivent disparaître. Ils ont échoué sous Ali Bongo, ce n’est pas avec Oligui qu’ils réussiront », s’indigne un jeune activiste sur les réseaux sociaux.

Cette phrase résume le sentiment d’une génération désabusée, qui constate que les symboles du changement sont bien présents dans les discours, mais peinent à se traduire dans les actes. Le recyclage politique de figures connues, souvent compromises, renforce le scepticisme et alimente une inquiétude grandissante : celle de voir les promesses de transition et d’assainissement du système fondre comme neige au soleil.

Le défi du président : restaurer la confiance sans trahir les attentes

Brice Oligui Nguema est désormais face à une équation complexe. D’un côté, la nécessité de s’entourer de profils compétents pour redresser l’administration. De l’autre, l’obligation morale de ne pas trahir l’élan populaire qui l’a porté au pouvoir et qui réclame une rupture claire avec les pratiques du passé.

Le défi est immense : comment réconcilier l’expérience avec la nouveauté ? Comment éviter que les erreurs des uns ne deviennent le prétexte à l’exclusion des autres ? Et surtout, comment restaurer la confiance d’une jeunesse qui ne demande qu’à servir son pays avec loyauté, mais qui peine à trouver sa place ?

Le nouveau président a encore le temps pour poser des actes forts. Mais il devra vite comprendre que la patience de la jeunesse gabonaise n’est pas infinie — et que toute révolution trahie finit un jour par se retourner contre ses propres artisans.

Times Infos 

Par Nancy Nguema.

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