Né le 20 juin 1946 dans la ville de Mimongo (au Sud du Gabon) le jeune Jean-Christian MBOUMBA MAKAYA fait ses classes au collège classique et moderne Félix Eboué (actuel Lycée Léon MBA) en 1959 soit un an avant l’accession du pays à l’indépendance.
Très tôt, il se fait connaître sur la scène musicale en composant le titre « Tate na mame » (« Papa et maman » en langue Ipunu) alors qu’il n’a que 17 ans. Mais c’est sa chanson » Les grands guides » composée en 1967 qui lui vaudra une reconnaissance auprès des hautes autorités du pays. En 1966, Mackjoss sort un titre qui deviendra un « classique » de la musique gabonaise voire africaine « Le Boucher ». Ce titre lui a valu de recevoir de la star de la rumba congolaise Franco, un don de matériels de musique.
Au début des années 1970, il entre dans l’armée gabonaise et fonde avec Martin Rompavet, John Abessolo et Mathurin Nzamba entre autres, l’orchestre des forces armées gabonaises. Cet orchestre deviendra plus tard le groupe Massako qui enchaînera des succès.
L’œuvre de l’artiste a traversé le temps à l’image de la chanson « le boucher ». Mackjoss, artiste engagé ? Témoin de son temps ? Moralisateur ? Faiseurs de rois ? Autant de questions qui taraudent les esprits lorsque son cheminement musical est revisité depuis les années d’avant les indépendances quand avec les Léon Mbou Yembi, il fréquentait le Lycée Félix Eboué, aujourd’hui devenu Lycée national Léon Mba. Il quittait l’internat pour se rendre au quartier « Derrière l’Hôpital » où il se produisait avec l’orchestre « Negro Tropical » qui sollicitera ses services lors d’une remarquable tournée à Lambaréné, tournée qui constituera une période charnière dans ce qui deviendra sa vie professionnelle qui se poursuivra sous d’autres fanions jusqu’aux « Massako » des Forces Terrestres et Navales gabonaises dont il deviendra le chef d’orchestre, groupe au sein duquel il atteindra le sommet de sa carrière.
Avec « les Grands guides », une œuvre chantée lors de l’élection présidentielle à liste unique qui mettait juste aux côtés de Léon Mba, Albert-Bernard Bongo, il invite les Gabonais à faire le bon choix pour leur avenir et celui du Gabon. Il appelle en fait ses compatriotes à la mobilisation en faveur de ladite liste plus qu’autre chose, car si le Gabon de cette époque est multipartite, il n’en demeure pas moins que le camp du président Mba est celui qui a le vent en poupe au regard de la configuration politique du moment, marquée par l’immixtion dans les affaires internes du pays nouvellement indépendant de la puissance tutélaire, la France. C’est pourquoi, il n’hésite pas d’ailleurs à vanter le travail de Léon Mba, en évoquant le port d’Owendo, l’émancipation de la femme, la suppression de la dot et autres faits sociaux dus au père de l’indépendance.
Quand vient « le Boucher » en 1966, l’artiste veut s’affirmer comme, non plus un artiste gabonais simplement, mais musicien à la stature africaine, ce qui lui réussira bien et lui vaudra d’accéder au hit-parade africain de l’époque. Après 1967 et la mort de Léon Mba, suivie de l’accession au pouvoir par le jeu des règles constitutionnelles d’Albert-Bernard Bongo, Mackjoss va se muer en musicien très proche de ses contemporains avec des titres comme « Muru tabe » qui vont lui valoir d’être convoqué plusieurs fois par le pouvoir avide d’explications sur des sujets qu’il pensait être subversifs. Et pourtant, l’artiste ne baissera pas la garde, préférant la liberté à l’esclavage. Aussi, va-t-il renforcer sa capacité à venir à bout de l’adversité, multipliant les chansons sensibilisatrices, voire mobilisatrices parallèlement avec celles qui rappellent des souvenirs ancestraux à travers une musique tirée du terroir, ce qui lui a valu le qualificatif erroné d’artiste obscène si l’on tient compte de l’analyse de certains musicologues qui ont vu dans « Puiti tsiotsu », non pas une insulte faite aux femmes, mais une invite à la compréhension d’un message, celui selon lequel la femme, épouse, doit être perçue comme celle qui aime avec son cœur et est donc prête à donner tout ce qu’elle peut pour sauvegarder un idéal et n’est nullement, quoi qu’elle soit l’objet de convoitises, une passoire quand bien même il peut lui arriver de faillir.
En d’autres termes, Mackjoss veut nous faire comprendre que si la femme peut accidentellement, comme l’homme d’ailleurs, connaître des moments de faiblesse, en se livrant à un autre homme que le sien, elle reste plus fidèle que lui en amour, ne disposant que d’une et une seule place dans son cœur, d’où l’expression « l’élu de son cœur ». Le « Baobab » comme on l’appelait affectueusement, en rappelant à la jeunesse d’aujourd’hui qu’il est né à Mimongo sur des feuilles de bananier, qu’il n’a pas connu l’hôpital et le matelas, était un traditionnaliste hors-pair qui sollicitait de tous ses compatriotes qu’ils aillent se nourrir de leur tradition, de leurs us et coutumes qu’ils gagneraient à valoriser. En somme, un discours futuriste si l’on se réfère à ce que Léopold Sédar Senghor désignait par l’expression « rendez-vous du donner et du recevoir ».
Le militaire qu’il était devenu peut-être par la force des choses cachait cependant un être héroïque recommandant et vantant les victoires de ses proches. Le disque « Munadji 76 » en est une illustre révélation. Chanté en deux versions, l’une en 1976, l’autre en 1984, il est l’illustration d’une volonté affichée de l’artiste à rappeler qu’il n’y a que l’effort qui paie et à inciter au développement des qualités conférant à l’homme toute sa notoriété et respect vis-à-vis d’autrui. Pas moins que « Bukulu » la chanson rappelant les origines et les migrations du peuple punu, tout en présentant les différents embranchements de ce dernier avec tous les autres peuples du groupe ethno-linguistique « méryé », présente leur bravoure, leur combat, leurs victoires.
Le retour à la terre a également constitué une des trames du discours de Mackjoss qui n’a eu de cesse de se demander pourquoi l’exode rural est encouragé, alors que l’hinterland offre bien des possibilités de fixation des populations pour peu que des politiques appropriées y soient menées.
Adepte des rythmes folkloriques, la carrière de musicien de Mack-Joss a commencé alors qu’il n’avait que 17 ans et il s’est rapidement imposé comme un incontournable de la scène nocturne de Libreville, chantant dans divers groupes locaux. En 1966, il sort « Le Boucher », son premier tube qui déferle sur les ondes africaines et lui vaut le respect de Franco, le légendaire maître de la rumba congolaise. Les encouragements de Franco ont contribué à le transformer de chanteur gabonais en une figure montante de la culture panafricaine.
Entre 1968 et 1970, Mack-Joss et son Negro-Tropical immortalisent bon nombre de singles enregistrés dans un studio d’enregistrement de fortune à ciel ouvert et en 1971, les forces armées gabonaises décident de former leur propre groupe. Mack-Joss a été recruté pour devenir le chef d’orchestre et c’est la naissance de l’Orchestre Massako qui est devenu l’orchestre national du Gabon.
À la fin des années 1970, des fonds ont été mis à disposition pour faire venir du matériel d’enregistrement de France. Studio Mobile Massako est né et la capacité d’écriture de chansons de Mack-Joss a fourni hit après hit. Les bandes maîtresses avec les enregistrements ont été envoyées à Paris pour le mixage et Mack-Joss ferait personnellement le voyage en France, transportant les bobines dans son bagage à main. Les disques vinyles ont ensuite été pressés en France et renvoyés au Gabon et à d’autres distributeurs sur tout le continent. Environ une douzaine de longs disques ont été enregistrés entre 1978 et 1986 et la plupart sont sortis sur Mass Pro, le propre label de Mack-Joss. Quelques-uns de ces enregistrements mettaient en vedette un chanteur de Guinée Conakry du nom d’Amara Touré qui avait rejoint l’Orchestre Massako en tant que chanteur en 1980.
La retraite de Mack-Joss en 1996 a marqué la fin de l’Orchestre Massako. Avec une carrière de quatre décennies, sa contribution à la culture gabonaise ne peut être surestimée et continue d’inspirer le respect et le dévouement des personnes qui l’ont connu.
Le 18 avril 2018 au Centre Hospitalier Universitaire de Libreville (CHUL), celui que l’on appelle communément le Baobab de la musique gabonaise du fait de la profondeur de son répertoire et de la longévité de sa carrière, tire ²sa révérence alors âgée de 72 ans.
Times Infos
Texte : ©️J.M