L’annonce de la suspension du Parti Démocratique Gabonais (PDG) pour une durée de trois ans à l’issue du Dialogue national inclusif d’Angondjé en 2024 avait été saluée comme un tournant majeur dans la refondation politique du pays. Cette mesure, censée sanctionner un parti largement perçu comme le pilier du régime déchu d’Ali Bongo, visait à répondre aux aspirations populaires de rupture avec le passé. Pourtant, plusieurs mois après son adoption, cette décision semble avoir perdu toute substance, le PDG continuant à mener ses activités en toute liberté, sans entrave apparente des nouvelles autorités de transition. Une situation qui soulève de nombreuses interrogations sur la sincérité du processus engagé par le Comité pour la transition et la restauration des institutions (CTRI) et sur la véritable marge de manœuvre du président de la transition, Brice Clotaire Oligui Nguema.
Un parti suspendu… mais toujours actif
Malgré la sanction qui lui a été infligée, le PDG continue de fonctionner comme si de rien n’était. Réunions internes, restructurations, et stratégies de repositionnement sont menées sans aucune restriction. La nomination de Blaise Louembè à la tête du parti, lors du 13ᵉ congrès tenu à Libreville le 30 janvier 2025, illustre bien cette volonté de réorganisation et de survie politique. Si la suspension du PDG avait réellement été appliquée, comment expliquer la tenue de tels événements et l’absence de toute mesure coercitive de la part des autorités ?
Plus encore, les cadres du PDG demeurent omniprésents dans l’administration de transition et au sein des institutions clés du pays. Cette infiltration subtile du pouvoir par des figures de l’ancien régime pose la question de la véritable portée des décisions issues du Dialogue national. En apparence, le CTRI s’est montré ferme, mais en réalité, il semblerait que cette suspension ne soit qu’un écran de fumée destiné à apaiser l’opinion publique, tout en permettant au PDG de se repositionner discrètement.
Oligui Nguema pris à son propre piège ?
Derrière cette apparente incohérence, une autre hypothèse mérite d’être explorée : celle d’un calcul stratégique de la part d’Oligui Nguema lui-même. En suspendant le PDG, le général répondait aux attentes populaires et marquait une rupture symbolique avec l’ancien régime. Mais en tolérant, voire en facilitant sa résilience, il pourrait en réalité chercher à s’appuyer sur l’influence du PDG pour asseoir son propre pouvoir.
Avec l’élection présidentielle du 12 avril 2025 en ligne de mire, la question du positionnement du PDG devient cruciale. Le parti osera-t-il investir son propre candidat, en l’occurrence Blaise Louembè, ou choisira-t-il d’apporter un soutien implicite à une candidature d’Oligui Nguema ? Officiellement, les statuts du PDG prévoient qu’il présente son propre candidat. Toutefois, dans un contexte où les alliances de circonstances priment souvent sur les principes, il n’est pas exclu qu’un rapprochement entre Oligui Nguema et certains barons du PDG soit déjà en cours.
Vers un duel politique ou une alliance de l’ombre ?
Si le PDG décidait de faire front contre le régime militaire et d’aligner son propre candidat, cela marquerait une rupture claire avec les autorités de transition. Ce choix pourrait redistribuer les cartes du jeu politique gabonais et offrir une alternative aux électeurs encore hésitants sur la voie à suivre après la transition. En revanche, si le PDG venait à soutenir Oligui Nguema, ce serait le signe d’une compromission en coulisses, trahissant l’illusion d’un renouveau démocratique promis après le coup d’État du 30 août 2023.
Dans tous les cas, l’avenir politique du Gabon s’annonce mouvementé, et la question centrale demeure : les décisions du Dialogue national avaient-elles une réelle vocation à être appliquées, ou n’étaient-elles qu’un moyen d’acheter du temps tout en préservant l’essentiel du système en place ? L’opinion publique, elle, observe avec scepticisme l’évolution de cette situation, en attendant de voir si la transition tiendra ses promesses ou si elle se révélera être un simple changement de façade.
Times Infos
Par Nancy Nguema.