L’arrivée à Bamako de 65 500 tonnes de blé offertes par la Russie, après un transit par le port de Conakry, a suscité des réactions mitigées. Si ce don humanitaire répond à une urgence alimentaire indéniable au Mali, il soulève également des questions sur les implications géopolitiques et stratégiques d’un tel geste.
Une aide salutaire dans un contexte de crise alimentaire
Le Mali, comme de nombreux pays du Sahel, est confronté à une insécurité alimentaire exacerbée par l’instabilité politique et les crises climatiques. L’arrivée de cette cargaison de blé est une bouffée d’oxygène pour un pays où des millions de personnes sont en situation de vulnérabilité. Ce don permettra d’approvisionner des communautés en difficulté, notamment dans les régions touchées par des conflits armés et des déplacements massifs de populations.
Toutefois, cette aide met en lumière la dépendance croissante de nombreux pays africains envers des puissances étrangères pour répondre à leurs besoins fondamentaux. Si le blé russe contribue à apaiser une crise immédiate, il rappelle également les défis structurels du Mali en matière de souveraineté alimentaire et de résilience économique.
La Russie, un partenaire désintéressé ?
Officiellement, ce geste humanitaire témoigne de l’amitié entre Bamako et Moscou, un partenariat renforcé ces dernières années dans des domaines variés, notamment la sécurité et l’économie. Cependant, il serait naïf de considérer cette aide comme purement altruiste. La Russie, en quête d’influence en Afrique, se positionne comme un acteur clé face aux anciennes puissances coloniales, en particulier la France.
En offrant une aide substantielle, Moscou renforce son image de partenaire fiable et solidaire, tout en consolidant ses intérêts stratégiques au Mali. L’intensification de cette relation bilatérale reflète un changement d’alliances géopolitiques dans la région, où de nombreux pays tournent le dos à leurs partenaires traditionnels pour s’ouvrir à d’autres acteurs mondiaux.
Une dépendance lourde de conséquences
Si ce don est accueilli avec gratitude par les autorités maliennes, il pose néanmoins la question de la durabilité d’une telle dépendance. Le Mali, comme d’autres pays de la région, doit faire face à un double défi : répondre aux besoins immédiats tout en investissant dans des solutions de long terme pour réduire sa vulnérabilité.
La relance croissante à des aides étrangères pourrait freiner les efforts pour développer une agriculture locale résiliente et autosuffisante. Plutôt que de s’inscrire dans une logique de solidarité ponctuelle, les partenariats internationaux devraient encourager des investissements dans les infrastructures agricoles, la gestion des ressources hydriques et la formation des agriculteurs.
Une coopération à double tranchant
L’aide humanitaire russe au Mali est indéniablement un acte de soutien, mais elle s’inscrit également dans un contexte géopolitique complexe. Ce don massif peut être perçu comme un levier d’influence, utilisé pour asseoir l’expansion de Moscou en Afrique de l’Ouest. Si l’aide répond à une crise urgente, elle ne doit pas masquer les enjeux structurels et stratégiques sous-jacents.
Le Mali, en tant qu’État souverain, devra veiller à ce que ses alliances, bien qu’essentielles, servent avant tout les intérêts de sa population et non ceux de puissances extérieures. La voie vers la souveraineté alimentaire et économique nécessite des choix éclairés et une vision stratégique à long terme, au-delà des solutions humanitaires immédiates.
Times Infos
Par Mbak Ndèye.