L’accession au pouvoir de Bassirou Diomaye Faye et la montée d’Ousmane Sonko ont bouleversé le paysage politique sénégalais. Pourtant, un enjeu crucial demeure : la relation du Pastef avec les confréries religieuses, ces institutions influentes qui structurent la société. Longtemps perçu comme un parti en rupture avec ces ordres traditionnels, le Pastef tente aujourd’hui de déminer un terrain miné par des déclarations passées explosives. Mais entre calcul politique et prudence des marabouts, l’équilibre est fragile. Jusqu’où ira cette cohabitation stratégique ?
Un passé de tensions : des paroles qui résonnent encore
Le Pastef s’est fait remarquer par un discours réformiste tranchant, parfois hostile aux structures traditionnelles. En février 2023, Ngagne Demba Touré, coordinateur des jeunes du parti, provoquait un tollé en affirmant : « Notre projet, c’est de mettre fin à la vénération de l’homme pour la vénération exclusive de Dieu et point final ». Un propos jugé iconoclaste par les grandes confréries, qui y voyaient une tentative de marginalisation de leur influence.
L’art du pragmatisme : Pastef en mode diplomatique
Conscients de l’importance électorale et sociale des confréries, Ousmane Sonko et Bassirou Diomaye Faye ont adopté une posture plus conciliante. Enchaînant les visites aux grandes figures religieuses, multipliant les gestes symboliques, le duo s’efforce de lisser son image. Cette stratégie vise à rassurer les cercles religieux tout en évitant de froisser la base militante du parti, réclamant toujours des réformes structurelles.
Les confréries en position d’observateurs attentifs
Si certaines figures religieuses se montrent réceptives à ce rapprochement, d’autres restent méfiantes. Les confréries, fortes d’un rôle historique central dans la médiation politique au Sénégal, attendent des preuves tangibles de bonne foi. Elles savent que leur influence est convoitée et ne céderont pas facilement leurs prérogatives. En coulisses, les négociations sont subtiles : chaque mot, chaque geste compte.
Une cohabitation sous haute tension
Le Pastef joue une partition délicate. Trop de concessions aux confréries pourraient décevoir son électorat réformateur, tandis qu’une attitude trop radicale risquerait de rallumer des conflits latents. Le compromis actuel repose sur un fil fragile : le gouvernement peut-il prétendre moderniser le pays sans heurter ces institutions ?
Vers une bombe à retardement ?
L’apaisement apparent ne doit pas masquer une réalité plus brutale : l’antagonisme entre réforme et tradition n’est pas résolu, il est simplement mis en suspens. Toute décision jugée trop audacieuse pourrait provoquer une levée de boucliers et remettre en cause cette fragile entente. Pour Sonko et Diomaye, l’enjeu est clair : tenir la barre sans déclencher la tempête. Mais jusqu’à quand ?
Times Infos
Par Mbak Ndèye.