Le vendredi 14 février 2025, la réunion du Conseil de paix et de sécurité de l’Union africaine (UA) s’est transformée en un affrontement diplomatique majeur entre la République démocratique du Congo (RDC) et le Rwanda. Au cœur des débats : l’implication présumée de Kigali dans le soutien au groupe rebelle M23, dont les exactions ont plongé l’Est congolais dans une spirale de violence. Face aux accusations cinglantes de la Première ministre congolaise, Judith Suminwa Tuluka, le président rwandais Paul Kagamé, visiblement ébranlé, a préféré quitter la salle, marquant un moment d’embarras sans précédent pour son régime.
Le M23, un conflit qui cristallise les tensions régionales
Depuis plusieurs mois, la situation dans l’Est de la RDC ne cesse de se détériorer. Le M23, groupe rebelle largement considéré comme soutenu par Kigali, a intensifié ses offensives et s’est emparé de plusieurs localités stratégiques, y compris la capitale provinciale du Nord-Kivu, Goma, en janvier 2025. Cette avancée militaire a provoqué des déplacements massifs de populations, créant une crise humanitaire alarmante.
Lors de la réunion de l’UA, la Première ministre congolaise n’a pas mâché ses mots. « Nous sommes ici parce qu’un membre de notre organisation a violé les principes fondamentaux de notre Union en soutenant des groupes armés qui sèment la terreur sur le sol congolais », a-t-elle déclaré avec fermeté. Une accusation directe qui a mis Paul Kagamé en difficulté, poussant ce dernier à une réaction inattendue.
Une sortie précipitée qui en dit long
Le départ brutal de Paul Kagamé en pleine séance a été perçu comme un aveu de faiblesse par plusieurs observateurs. Alors que son pays nie toute implication dans le soutien au M23, cette attitude a renforcé les soupçons de complicité. En quittant la salle, le président rwandais a donné l’impression d’un dirigeant acculé, incapable de répondre aux critiques de ses pairs africains.
Cet incident n’est pas sans rappeler d’autres épisodes où Kigali a dû faire face à des pressions internationales croissantes. En 2023 déjà, les Nations Unies avaient pointé du doigt le Rwanda pour son soutien logistique et militaire aux rebelles du M23, une accusation que le gouvernement rwandais avait toujours rejetée.
L’UA face à ses contradictions
L’Union africaine, censée incarner l’unité et la solidarité du continent, se retrouve une fois de plus confrontée à ses propres limites. Si la RDC a obtenu un soutien verbal de certains États membres, aucune mesure concrète n’a été prise pour contraindre le Rwanda à se désengager de la crise. L’UA, souvent critiquée pour son inefficacité à résoudre les conflits intra-africains, se retrouve dans une impasse : comment sanctionner un membre influent comme le Rwanda sans risquer une fracture au sein de l’organisation ?
Le secrétaire général de l’ONU, Antonio Guterres, a de son côté appelé à « éviter une escalade régionale à tout prix » et à privilégier le dialogue. Mais pour Kinshasa, le temps des négociations stériles semble révolu. Le gouvernement congolais exige désormais des actions concrètes et une condamnation officielle de l’UA contre l’occupation illégale de son territoire.
Un isolement diplomatique pour Kagamé ?
L’image de Paul Kagamé, longtemps perçu comme un leader réformateur et visionnaire en Afrique, risque d’être ternie par cet épisode. En quittant la salle de manière aussi spectaculaire, il a peut-être envoyé un message involontaire : celui d’un dirigeant de plus en plus isolé sur la scène diplomatique.
Si Kigali continue de nier son implication dans le conflit congolais, la pression internationale pourrait s’intensifier, notamment avec des sanctions économiques et politiques. Les prochaines semaines seront décisives pour la suite de la crise, et l’attitude du président rwandais pourrait déterminer l’ampleur des répercussions pour son régime.
En conclusion : une crise aux répercussions imprévisibles
L’incident d’Addis-Abeba souligne l’ampleur de la crise qui secoue la région des Grands Lacs. Entre accusations de soutien au terrorisme, tensions diplomatiques et risques d’escalade militaire, la situation demeure explosive. La sortie précipitée de Paul Kagamé n’a fait que renforcer la détermination de la RDC à obtenir justice et protection pour son territoire.
Reste à savoir si l’UA prendra enfin ses responsabilités face à un conflit qui menace la stabilité de toute l’Afrique centrale. Une chose est sûre : la pression sur Kigali ne fera qu’augmenter, et Paul Kagamé devra tôt ou tard faire face aux conséquences de ses choix.
Times Infos
Par Nancy Nguema.