Kinshasa a été le théâtre d’une vague de manifestations inédites, ciblant plusieurs ambassades étrangères, dont celles des États-Unis, de la France, de la Belgique, du Rwanda et du Kenya. Ces attaques traduisent une exaspération grandissante face à ce que de nombreux Congolais perçoivent comme l’inaction, voire la complicité, de la communauté internationale dans la crise sécuritaire qui ravage l’est du pays. Cette flambée de colère soulève des questions fondamentales sur la gestion du conflit, les responsabilités internationales et l’urgence d’une réponse diplomatique crédible.
Un contexte explosif : la guerre à l’est et la montée du ressentiment
Depuis plusieurs décennies, l’est de la République démocratique du Congo est en proie à des violences persistantes, alimentées par des groupes armés et des ingérences étrangères. Parmi eux, le M23, soutenu par le Rwanda selon Kinshasa et plusieurs rapports onusiens, continue de semer le chaos dans les provinces du Nord-Kivu et de l’Ituri.
Malgré les multiples initiatives diplomatiques et les accords de cessez-le-feu, la situation ne cesse de se détériorer. La population congolaise, épuisée par les promesses non tenues, voit dans l’inaction des grandes puissances une preuve de leur indifférence, voire de leur complicité avec les forces déstabilisant le pays. Loin d’être un simple débordement spontané, l’attaque des ambassades reflète une colère profonde et un désespoir croissant face à un conflit qui semble sans fin.
Une diplomatie en échec : la crédibilité des acteurs internationaux en question
L’appel des États-Unis à leurs ressortissants de quitter la RDC témoigne d’une inquiétude grandissante au sein des chancelleries étrangères. Pourtant, cet avertissement ne fait qu’amplifier le sentiment d’abandon ressenti par les Congolais. La communauté internationale, qui prône la stabilité et la paix, est perçue comme un acteur passif, voire opportuniste, face aux enjeux géopolitiques de la région.
Washington, Paris, Bruxelles et d’autres capitales occidentales ont condamné les violences contre leurs représentations diplomatiques, tout en réaffirmant leur engagement en faveur de la paix. Mais ces déclarations sonnent creux pour une population qui réclame des actions concrètes : sanctions contre les pays soutenant les groupes armés, renforcement de la MONUSCO avec un mandat plus offensif, et surtout, une pression réelle sur Kigali pour mettre fin à son implication militaire.
Le double discours de certaines puissances est également pointé du doigt. Tandis que les États-Unis appellent le Rwanda à retirer immédiatement ses troupes du territoire congolais, les sanctions restent timides et le soutien économique à Kigali perdure. Cette contradiction alimente un sentiment de trahison qui exacerbe les tensions.
Le dilemme congolais : éviter le chaos tout en exigeant justice
Face à cette explosion de colère, le gouvernement congolais se trouve dans une position délicate. D’un côté, il ne peut ignorer la légitimité des revendications de son peuple, qui exige des réponses face à la déstabilisation de l’est du pays. De l’autre, il doit éviter que ces manifestations ne dégénèrent en un cycle incontrôlable de violences qui mettrait en péril les relations diplomatiques essentielles à la gestion du conflit.
Le vice-Premier ministre de l’Intérieur, Peter Kazadi, a annoncé un renforcement de la sécurité autour des ambassades et des installations de la MONUSCO, rappelant que les attaques contre les représentations étrangères constituent une violation du droit international. Mais cette réponse sécuritaire ne suffira pas à calmer la colère populaire si elle ne s’accompagne pas de mesures diplomatiques et militaires fermes contre les véritables responsables de la crise.
Une opportunité pour un véritable sursaut international
La crise actuelle doit servir d’électrochoc. Elle rappelle à la communauté internationale que le peuple congolais ne restera pas silencieux face à l’injustice et à l’inaction. Si les grandes puissances souhaitent réellement contribuer à la stabilisation de la RDC, elles doivent sortir de leur posture attentiste et prendre des mesures fortes : sanctionner les États soutenant les groupes armés, renforcer les forces de maintien de la paix et soutenir un dialogue régional qui ne soit pas une énième façade diplomatique.
La République démocratique du Congo, riche de ses ressources mais meurtrie par des décennies de conflits, mérite mieux qu’une gestion à court terme et des déclarations de principe. Il est temps pour la communauté internationale de démontrer qu’elle est du côté de la paix, non de l’opportunisme géopolitique.
Times Infos
Par Cédric Baloch.