Aide au développement : la France finance-t-elle réellement l’Afrique ou elle-même ?

L’aide au développement accordée par la France à l’Afrique suscite de vives controverses. Alors que l’Agence française de développement (AFD) se présente comme un outil de solidarité internationale, ses détracteurs y voient un levier d’influence géopolitique et un mécanisme de recyclage financier qui profite autant, sinon plus, à l’économie française qu’aux populations africaines. Entre opacité des fonds, conditionnalités politiques et retours financiers vers la France, où va réellement l’argent de l’aide au développement ?

Un outil diplomatique sous couvert d’humanisme

Officiellement, l’AFD finance des projets visant à améliorer les conditions de vie en Afrique : infrastructures, accès à l’eau potable, éducation, santé, transition énergétique. En 2023, l’agence a investi près de 7 milliards d’euros en Afrique subsaharienne. Pourtant, la répartition de ces fonds soulève des questions.

Dans plusieurs pays du Sahel, l’aide au développement française a été drastiquement réduite après les tensions diplomatiques entre Paris et les nouvelles autorités militaires du Mali, du Burkina Faso et du Niger. Ces décisions politiques renforcent la perception que cette aide est avant tout un instrument d’influence géopolitique, conditionné au maintien de relations favorables avec la France. Ainsi, lorsque les dirigeants africains prennent des orientations souverainistes, l’aide disparaît, révélant son véritable rôle : un levier de contrôle diplomatique plus qu’un outil humanitaire.

Un recyclage financier vers l’économie française

Une part significative de l’aide française retourne en France, un phénomène souvent qualifié de “circuit fermé”. Comment ? Une grande partie des fonds de l’AFD est allouée sous forme de prêts plutôt que de dons, ce qui implique un remboursement par les pays bénéficiaires. Par ailleurs, les marchés publics liés aux projets financés par l’AFD sont souvent attribués à des entreprises françaises ou à des multinationales ayant des intérêts en France.

Prenons l’exemple du secteur des infrastructures : lorsqu’un projet de construction de routes est financé par l’AFD dans un pays africain, il est fréquent qu’une entreprise française décroche le contrat. Résultat : l’argent retourne en partie en France sous forme de bénéfices pour les entreprises impliquées. Ce “recyclage de l’aide” pose une question fondamentale : l’AFD aide-t-elle réellement les pays africains ou finance-t-elle surtout l’économie française sous prétexte de solidarité internationale ?

Des projets mal adaptés aux réalités locales

Un autre problème majeur réside dans la pertinence et l’impact réel des projets financés. De nombreuses infrastructures financées par l’AFD sont conçues sans prise en compte des réalités locales, ce qui mène à des échecs coûteux. Des hôpitaux construits sans personnel médical formé, des routes inutilisables faute d’entretien, des projets énergétiques inadaptés aux besoins des populations… L’aide française semble souvent guidée par des impératifs bureaucratiques et politiques plutôt que par une réelle écoute des besoins locaux.

Les lourdeurs administratives de l’AFD ralentissent également l’exécution des projets. Entre les délais d’approbation, les exigences contractuelles complexes et la multiplicité des intermédiaires, il faut parfois plusieurs années avant que les fonds alloués produisent un impact concret sur le terrain. Cette inefficacité administrative contribue à l’idée que l’aide française est plus un outil de gestion d’image qu’un véritable moteur de développement.

Quelle alternative pour une aide plus efficace ?

Face à ces constats, plusieurs experts et organisations plaident pour une refonte de l’aide au développement. Trois pistes majeures sont souvent avancées :

  1. Plus de transparence : rendre publique la répartition exacte des fonds, identifier les véritables bénéficiaires et mesurer l’impact réel des projets financés. Aujourd’hui, les données disponibles sont souvent opaques et peu accessibles aux citoyens, aussi bien en France qu’en Afrique.
  2. Prioriser les acteurs locaux : plutôt que d’imposer des solutions conçues à Paris, il serait plus pertinent de financer directement les initiatives locales, qui connaissent mieux les besoins réels des populations et qui assurent une meilleure pérennité des projets.
  3. Détacher l’aide des enjeux géopolitiques : une véritable aide au développement ne devrait pas être conditionnée à des intérêts diplomatiques ou économiques. En d’autres termes, l’Afrique ne devrait pas être privée de financement parce qu’elle décide de diversifier ses partenaires internationaux.

Une aide au développement ou un business déguisé ?

L’aide au développement française en Afrique se présente comme un geste de solidarité, mais dans les faits, elle apparaît souvent comme un investissement stratégique profitant à l’Hexagone. Derrière les discours humanitaires, elle sert d’outil d’influence politique et économique, contribuant à perpétuer une relation déséquilibrée entre la France et ses anciennes colonies.

Plutôt que d’alimenter une dépendance économique déguisée, la France pourrait repenser son approche en mettant les Africains au cœur du processus de développement, en misant sur des partenariats équilibrés et en évitant la logique du “donneur d’ordres”. À l’heure où de nombreux pays africains cherchent à s’émanciper des influences extérieures, la question se pose : la France est-elle prête à transformer son aide en un véritable outil de coopération, ou continuera-t-elle à la considérer comme un instrument de contrôle sous couvert d’altruisme ?

Times Infos 

Par Cédric Baloch.

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