À quelques mois de l’élection présidentielle au Gabon, le gouvernement de la Transition, sous la direction de Raymond Ndong Sima, a mis en place un ensemble de mesures visant à assainir l’administration publique et à lutter contre la corruption. Après des années de gestion controversée et de dénonciations publiques sur des pratiques de détournement de fonds et de rétrocommissions, ces réformes apparaissent comme une réponse aux inquiétudes du Président de la Transition, Brice Clotaire Oligui Nguema. Cependant, à quelques mois du scrutin crucial, la question se pose : ces mesures pourront-elles réellement transformer l’administration et redonner confiance à une population souvent déçue par les promesses non tenues ?
Des réformes de façade ou un véritable changement de cap ?
Les annonces faites par Raymond Ndong Sima, notamment la production de manuels de procédures et d’organisation des services ainsi que l’instauration d’un système de notation des fonctionnaires, ont de quoi séduire. Le gouvernement affiche une volonté claire de moraliser la fonction publique et de remettre de l’ordre dans un secteur souvent pointé du doigt pour ses dysfonctionnements. Toutefois, la question qui se pose est celle de l’application effective de ces mesures. En effet, ces réformes ne sont pas inédites dans le paysage politique gabonais. Par le passé, de nombreuses promesses ont été faites, souvent sans réelle mise en œuvre, ou avec des résultats mitigés.
À ce jour, l’administration gabonaise reste marquée par des pratiques de corruption systématiques et des comportements déviants qui continuent de gangrener les rouages de l’État. Les fonctionnaires, bien qu’en théorie soumis à des normes strictes, sont souvent confrontés à des incitations et des pressions qui les poussent à outrepasser les règles. Dès lors, la question légitime est de savoir si ces réformes sont véritablement un changement de cap ou simplement une opération de communication avant l’élection présidentielle.
Une réforme pour qui et pour quoi faire ?
L’un des points essentiels soulevés par cette annonce est la mise en place de rapports d’audits mensuels et d’un système de notation des agents publics. Ces mesures visent à améliorer la transparence et la performance de l’administration. Toutefois, leur efficacité repose sur la volonté des agents de se conformer à ces nouvelles exigences, mais aussi sur la rigueur avec laquelle les résultats seront suivis. Les inspecteurs des ministères, par exemple, seront responsables de produire des manuels de procédures dans les 60 jours. Une tâche lourde, mais dont l’aboutissement n’est pas garanti. Au-delà de la production de documents, il faudra surtout s’assurer de leur application effective sur le terrain. Or, dans un pays où la culture administrative a longtemps privilégié les solutions de facilité et où la corruption a été largement tolérée, il est difficile de croire qu’un simple changement de réglementation suffira à inverser des décennies de mauvaise gestion.
Le système de notation des fonctionnaires, s’il est appliqué de manière objective et sans complaisance, pourrait en théorie favoriser une compétitivité saine et une amélioration de la performance. Toutefois, il y a un risque que ce système soit perçu comme une arme politique pour récompenser ou sanctionner des proches, plutôt qu’un véritable outil de gestion des ressources humaines. La crainte d’un clientélisme exacerbé pourrait ainsi remettre en cause l’efficacité réelle de cette réforme.
L’élection présidentielle en toile de fond : un timing stratégique ?
Le timing de cette réforme, à moins de six mois de l’élection présidentielle, semble révélateur d’une stratégie politique. Après plusieurs mois de contestations et de critiques concernant les pratiques de l’administration, le gouvernement semble vouloir redorer son image et se positionner comme le champion du changement. Mais est-ce réellement un tournant pour le Gabon, ou simplement une réaction opportuniste à l’approche des urnes ?
La ferveur avec laquelle le Premier ministre a abordé la question de la lutte contre la corruption et la gestion des ressources publiques laisse supposer une volonté de se démarquer avant les élections. Toutefois, pour que cette politique ait un impact durable et véritablement bénéfique pour le pays, elle devra aller bien au-delà des déclarations publiques. L’implémentation effective et le suivi rigoureux des réformes seront cruciaux pour éviter que ces actions ne soient perçues que comme un dernier soubresaut avant le grand rendez-vous électoral.
Une réforme entre espoir et scepticisme
Les réformes entreprises par le gouvernement de la Transition sont certes louables et peuvent constituer un pas vers une meilleure gestion de l’État. Cependant, leur succès dépendra de la volonté politique réelle d’implémenter des changements profonds et durables dans le fonctionnement de l’administration. Les Gabonais, et notamment les fonctionnaires, devront être convaincus que cette fois-ci, le changement ne se limitera pas à une simple déclaration d’intention. À défaut, ces mesures risquent de rester lettre morte, et la déception sera à la hauteur des attentes qu’elles ont suscitées.
Times Infos
Par Amir Baron.